Dans les sables

André Breton
par André Breton
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Il passe des tribus de nomades qui ne lèvent pas la

tête
Parmi lesquels je suis par rapport à tout ce que j’ai

connu
Ils sont masqués comme des praticiens qui opèrent
Les anciens changeurs avec leurs femmes si particulières
Quant à l’expression du regard j’ai vu plusieurs

d’entre elles
Avec trois siècles de retard errer aux abords de la

Cité
Ou bien ce sont les lumières de la
Seine
Les changeurs au moment d’écailler la dorade
S’arrêtent parce que j’ai a changer beaucoup plus

qu’eux
Et les morts sont les œufs qui reviennent prendre

l’empreinte du nid
Je ne suis pas comme tant de vivants qui prennent

les devants pour revenir

Je suis celui qui va

On m’épargnera la croix sur ma tombe

Et l’on me tournera vers l’étoile polaire

Mais tout testament suppose une impardonnable

concession
Comme si dans le chaton de la bague qui me lie à la

terre
Ne résidait suprême la goutte de poison oriental
Qui m’assure de la dissolution complète avec moi
De cette terre telle que je l’ai pensée une échappée

plus radicale
Sinon plus orgueilleuse que ‘celle à quoi nous convie le

divin
Sade
Déléguant au gland à partir de lui héraldique
Le soin de dissimuler le lieu de son dernier séjour
Comme je me flatte dit-il

Que ma mémoire s’effacera de
Vesprit des hommes
Pile ou face face la pièce nue libre de toute elligie de

tout millésime
Pile
La pente insensible et pourtant irrésistible vers le

mieux

Il ne me reste plus qu’à tracer sur le sol la grande figure quadrilatère

Au centre gauche l’ovale noir

Parcouru de filaments incandescents tels qu’ils apparaissent avant que la lampe ne s’éteigne

Quand on vient de couper le courant du secteur

L’homme et ses problèmes

Inscrit dans le contour ornemental d’une fleur de tabac

Puis tour à tour

Regardant, chacun des côtés et disposés symétriquement par rapport aux axes

Les quatre tètes rondes d’être quatre fois bandées

Le pansement du front le loup noir le bâillon bleu la mentonnière jaune

Les fentes des yeux et de la bouche sont noires

En bas le passé il porte des cornes noires de taureau du bout desquelles plongent des plumes de corbeau

Du sommet et de la base partent les fils lilas noisette de certains yeux

A gauche le présent il porte des cornes blanches de taureau d’où retombent des plumes d’oie sauvage

Il s’avive par places de mica comme la vie au parfum de ton nom qui est une mantille mais celle même dans l’immense vibration qui exalte l’homme-soleil et je baisse les yeux fasciné par cette partie déclive de ta lèvre où continuent à poindre les rois mages

En haut l’avenir il porte des cornes jaunes de taureau dardant des plumes de flamant

Il est surmonté d’un éclair de paille pour la transformation du monde

A droite l’éternel il porte des cornes bleues de taureau à la pointe desquelles bouclent des plumes de manucode

Un arc de brume glisse tangentiellement aux bords sud ouest et nord et s’ouvre sur deux éventails de martin-pècheur cet arc enveloppe les trois premières têtes et laisse libre la quatrième gardée sur champ de pollen par une peau de condylure tendue au moyen d’épines de rosier

C’est par là qu’on entre

On entre on sort

On entre

on ne sort pas

André Breton

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