Quels apprets
Les armoires bombées de la campagne
Glissent silencieusement sur les rails de lait
C’est l’heure où les filles soulevées par le flot de la nuit
qui roule des carlines
Se raidissent contre la morsure de l’hermine
Dont le cri
Va mouler les pointes de leur gorge
Les événements d’un autre ordre sont
absolument dépourvus d’intérêt
Ne me parlez pas de ce papier mural à
décor de ronces
Qui n’a rien de plus pressé
Que de se lacérer lui-même
Les flammes noires luttent dans la grille avec des
langues d’herbe
Un galop lointain
C’est la charge souterraine sonnée dans le bois de
violette et dans le buis
Toute la chambre se renverse
Le splendide alignement des mesures d’étain s’épuise en une seule qui par surcroît est le vin gris
La cuisse toujours trop tôt dépêchée sur le tableau de craie dans la tourmente de jour
Les gisements d’hommes les lacs de
murmures
La pensée tirant sur son collier de vieilles
niches
Qu’on me laisse une fois pour toutes avec
cela
Les diables-mouches voient dans ces ongles
Les pépins du quartier de pomme de la rosée
Ramené du fond de la vie
Le corps tout en poissons surgit du filet ruisselant
Dans la brousse
De l’air autour du lit
L’argus de la dérive chère les yeux fixes mi-ouverts mi-clos
Poitiers, 9 mai 1940.