Néaere
Mais telle qu’à sa mort pour la dernière fois
Un beau cygne soupire, et de sa douce voix,
De sa voix qui bientôt lui doit être ravie,
Chante, avant de partir, ses adieux à la vie :
Ainsi, les yeux remplis de langueur et de mort,
Pâle, elle ouvrit sa bouche en un dernier effort. «
O vous, du
Sébethus
Naïades vagabondes,
Coupez sur mon tombeau vos chevelures blondes,
Adieu, mon
Clinias ; moi, celle qui te plus,
Moi, celle qui t’aimai, que tu ne verras plus.
O deux, ô terre, ô mer, prés, montagnes, rivages,
Fleurs, bois mélodieux, vallons, grottes sauvages,
Rappelez-lui souvent, rappelez-lui toujours
Néaere, tout son bien,
Néaere, ses amours,
Cette
Néaere, hélas ! qu’il nommait sa
Néaere,
Qui pour lui criminelle abandonna sa mère ;
Qui pour lui, fugitive, errant de lieux en lieux,
Aux regards des humains n’osa lever les yeux.
O ! soit que l’astre pur des deux frères d’Hélène
Calme sous ton vaisseau la vague ionienne ;
Soit qu’aux bords de
Pœstum, sous ta soigneuse main,
Les roses deux fois l’an couronnent ton jardin,
Au coucher du soleil, si ton âme attendrie
Tombe en une muette et molle rêverie,
Alors, mon
Clinias, appelle, appelle-moi.
Je viendrai,
Clinias, je volerai vers toi.
Mon âme vagabonde à travers le feuillage
Frémira.
Sur les vents ou sur quelque nuage
Tu la verras descendre, ou du sein de la mer,
S’élevant comme un songe, étinceler dans l’air ;
Et ma voix, toujours tendre et doucement plaintive,
Caresser en fuyant ton oreille attentive. »