Vieux logis
À D.-U.-N. Maillart.
Dans un cher souvenir de vos jeunes années,
Ne regrettez-vous pas ces hautes cheminées
Où l’âtre, réjoui par un grand feu de bois,
Réchauffait, en flambant, nos maisons d’autrefois ?
Ne regrettez-vous pas ces vieilles cheminées
Dans l’épaisseur des murs en granit maçonnées,
Qui portaient sur trois rangs de nombreux andouillers
Dont les fusils de chasse ornaient les râteliers.
Près du feu sommeillait un grand chien débonnaire
Qui poursuivait en rêve un lièvre imaginaire,
Et sans rouvrir les yeux jappait à demi-voix,
Comme s’il bondissait à travers champs et bois.
Si, partis avant jour, tous les beaux chiens de race,
Courant loin du logis, s’éparpillaient en chasse,
Alors, très prudemment, de gros chats arrondis
S’y prélassaient, heureux d’un si chaud paradis.
Quand le sarment jetait ses gerbes d’étincelles
Au dressoir miroitant des antiques vaisselles,
Comme un riche éventail en ordre s’étageant,
Plats de cuivre et d’étain semblaient d’or et d’argent.
Aux murs le Juif-Errant d’une ancienne gravure,
Sans pouvoir se coucher, pas même sur la dure,
De son pas éternel marchait dans un brouillard ;
Ailleurs, mais à cheval, Jeanne d’Arc et Bayard.
Quand soufflait un vent noir roulant des feuilles mortes,
Si quelque infortuné, le soir, frappait aux portes,
Un pauvre, un voyageur perdu dans son chemin :
« Entrez, lui disait-on. Restez jusqu’à demain. »