Vieux moulins

André Lemoyne
par André Lemoyne
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À Alfred Barthe.

En pays de Saintonge, où nos meilleures vignes
Sont, comme au champ d’honneur, mortes en droites lignes,
Sous le fléau terrible, on voit encor souvent,
Dominant les hauteurs, un vieux moulin à vent.

Sur le coteau pierreux et nu comme un calvaire,
Ce reste d’un autre âge est fantasque et sévère :
La queue est arrachée, il a perdu ses bras,
Et le chapeau tournant du faite est coupé ras.

On cherche en vain des yeux les gigantesques toiles
Qui viraient au soleil, qui viraient aux étoiles,
Et pour les pauvres gens travaillaient nuit et jour :
Le grand corps mutilé n’a plus rien que sa tour.

Comme à tout ce qui meurt, comme à tout ce qui passe,
Il fallait lui donner au moins le coup de grâce,
Et ne pas oublier, sans cœur et sans raison,
Cet éclopé funèbre attristant l’horizon.

Il contemple de haut le désastre des vignes,
Qu’il reconnaît encore aux vieux sillons en lignes,
Et l’oiseau migrateur qui passe dans les airs
Toujours fuit à grand vol ces vastes champs déserts.

André Lemoyne

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