Ballade de l’étranger
Par quels détours suis revenu?
N’ai pas marché sur l’ombre
ni le déjà vécu
pas cherché l’entrée de la chambre
seulement la sortie
pas retourné langue ni poche
mais lampe dans les yeux,
et c’est le jeu
par l’autre bout des chandelles hors du chemin et sans adieux comme si
Bashô avait écrit des lettres de
Rodez –
Enfermé je m’évade
Par les quatre saisons
La folie est aussi
Ermitage d’illusion…
Par quel enfer suis reparti?
N’ai pas vendu de sel
ni de piège immortel
pas fait charité aux maîtres de vertu
seulement aux infidèles
pas brûlé d’encens de sapèques
mais une prière sans dieu,
et c’est le jeu
par échange des tours ou des reines
des extases ou des cris
comme si
Jean de la
Croix
explorant le
Tibet
arrivait pieds en sang
dans les ruines d’Iwang —
Pour toute la beauté
La nuit effacerai
Jusqu’à rendre aux
Bouddhas
Leurs sourires de terre…
Par quel secret suis d’ailleurs et d’ici?
N’ai pas renié le chant
ni la haute forêt
pas dormi sur la voie des miroirs
seulement sur tas de riz
pas recueilli de pluie
mais du sable ou du feu,
et c’est le jeu
par marche forcée du mystère avec impossibles refrains comme si chacun allait revoir en douce sa
Mongolie —
Printemps à fleur de peau
Sous les sabots d’un cheval…
Ai trop aimé les chansons pour naviguer à contre-écho, dans le poème la ballade est une mélodie au long cours un thé brûlant une vague un cerf-volant ou un sanglot,
ai trop dérimé la raison pour sombrer à contre-chance, sur les dents les mots sont de souffle et d’orage de corde de cuivre de cuir et peau,
ai trop devancé la moisson pour gémir à contre-manque, sous le sens le tempo est un cœur sans cesse qui bat de proche en proche et dit que l’infini
se danse ou s’exaspère s’affame ou s’abolit et dit que le hasard est un pays qui passe et dit que les ténèbres se lèvent à midi.
Par quel espace suis investi?
N’ai pas choisi le nuage
ni le signe
pas repeint les frissons du décor
seulement la lumière rouge
pas limité le royaume mais l’acte des propriétés,
et c’est le jeu
que porte avec lui l’étranger
jeu de cartes blanches
où ne reste pas même
une marque de doigt –
Les autres nomment ton nom
Voient ton visage
Mais toi jamais
Tu ne te reconnais…