Ballade de l’étranger

André Velter
par André Velter
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Par quels détours suis revenu?

N’ai pas marché sur l’ombre

ni le déjà vécu

pas cherché l’entrée de la chambre

seulement la sortie

pas retourné langue ni poche

mais lampe dans les yeux,

et c’est le jeu

par l’autre bout des chandelles hors du chemin et sans adieux comme si
Bashô avait écrit des lettres de
Rodez –

Enfermé je m’évade
Par les quatre saisons
La folie est aussi
Ermitage d’illusion…

Par quel enfer suis reparti?

N’ai pas vendu de sel

ni de piège immortel

pas fait charité aux maîtres de vertu

seulement aux infidèles

pas brûlé d’encens de sapèques

mais une prière sans dieu,

et c’est le jeu

par échange des tours ou des reines

des extases ou des cris

comme si
Jean de la
Croix

explorant le
Tibet

arrivait pieds en sang

dans les ruines d’Iwang —

Pour toute la beauté

La nuit effacerai

Jusqu’à rendre aux
Bouddhas

Leurs sourires de terre…

Par quel secret suis d’ailleurs et d’ici?

N’ai pas renié le chant

ni la haute forêt

pas dormi sur la voie des miroirs

seulement sur tas de riz

pas recueilli de pluie

mais du sable ou du feu,

et c’est le jeu

par marche forcée du mystère avec impossibles refrains comme si chacun allait revoir en douce sa
Mongolie —

Printemps à fleur de peau
Sous les sabots d’un cheval…

Ai trop aimé les chansons pour naviguer à contre-écho, dans le poème la ballade est une mélodie au long cours un thé brûlant une vague un cerf-volant ou un sanglot,

ai trop dérimé la raison pour sombrer à contre-chance, sur les dents les mots sont de souffle et d’orage de corde de cuivre de cuir et peau,

ai trop devancé la moisson pour gémir à contre-manque, sous le sens le tempo est un cœur sans cesse qui bat de proche en proche et dit que l’infini

se danse ou s’exaspère s’affame ou s’abolit et dit que le hasard est un pays qui passe et dit que les ténèbres se lèvent à midi.

Par quel espace suis investi?

N’ai pas choisi le nuage

ni le signe

pas repeint les frissons du décor

seulement la lumière rouge

pas limité le royaume mais l’acte des propriétés,

et c’est le jeu

que porte avec lui l’étranger

jeu de cartes blanches

où ne reste pas même

une marque de doigt –

Les autres nomment ton nom
Voient ton visage
Mais toi jamais
Tu ne te reconnais…

André Velter

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