Cinquième horizon
La vie est plus vaste que les livres
et l’inconnu plus vaste
que la poussière des temps.
L’infini, l’impossible, l’éternité
avec qui voulez-vous lutter?
La belle bleue, la belle noire ou la blanche?
Où inscrire le refus qui sera votre nom?
Sur quelle stèle, quel écho,
quel portique, quel folio?
La chair n’est pas triste mon âme
même si tu t’inventes un nouvel horizon.
On peut recevoir la grâce de l’invisible
sans dieu ni foi ni loi
sans autre tentation
que de lâcher la proie pour l’autre.
J’ai voyagé comme jamais
avant tous les voyages
dans le dos d’un
Hongrois
qui servait au lycée d’écran à mes lectures.
O nébuleuses de
Lébédev,
arpentages des ombres du
Château,
éphémère royauté de
Dravot
sur le pays des
Kafirs avant qu’une marée de sang
ne le soumette à la
Lumière!
Je me suis accordé plus de passions fatales
qu’il n’y a de mots chez
Goethe
Dante,
Shakespeare et
Hugo,
plus d’insomnies, plus d’abîmes, plus de feux
qu’il ne se compte de poils aux barbes des prophètes
et plus d’imparables conquêtes
que dans les yeux brûlés d’Alexandre
ou les courses boiteuses du boiteux
Tamerlan.
Je dis
Valmont,
Fabrice,
Nastassia
Philippovna
Meursault,
Balsamo,
Joseph
K.
Plume,
Alvaro de
Campos,
René
Leys,
je dis la meute des
Rougon, le cri
de
Siang-tse dans le
Pékin des années trente,
les chemins de sable de
Lawrence,
Thesiger et
Xingte,
le
Mont
Analogue, les
Tambours de la pluie,
je dis
Tynianov,
Henry
Miller,
Istrati
tout
Villon, tout
Rimbaud et la strophe dernière
de la
Maison du berger, car je dis et dirai
ton amour taciturne et toujours menacé…
Oui
la cinquième saison échappe au temps
comme le cinquiene horizon s’affranchit de l’espace.
Il est dans le monde du secret qui n’est
pas si loin de ce monde,
mais à l’envers de ses lois,
au débours de son épargne,
à la débâcle de ses interdits.
Il est la part obscure
aimantée et que j’aime —
soleil noir qui me donne
le savoir en jachère et le songe éclatant.