De reflet en reflet
(mirage)
La soif précède la source comme le désir le désert le désir infini d’un infini désert
Il faut vivre à découvert
pour entrer dans la fraternité des choses
Fils du soleil
amant des songes
gardien de la source ensablée,
ton ombre est faite de la poussière de la nuit
Quand la rosée est absente la source monte à la tête
(Shiva)
Seigneur d’éther à l’écoute de l’espace
comme un roi vagabond du haut de son absence,
le divin est une onde qui donne mesure au temps
Corps d’altitude que l’on touche de la paume pour renouer le souffle au-dessus du vertige, l’éblouissant
Kailash ouvre le proche infini
Le feu s’évade des glaces, ivresse verticale qui change à vue d’oeil la matière de l’esprit ou la fièvre des choses en insomnie de l’âme
Avec aux lèvres la soif originelle de l’eau pure le créateur crie son nom et détruit ce qu’il crée, la nuit dévorante s’en va régénérer le jour
La senteur de la terre soudain monte à la tête
c’est migraine d’idées et de soleils aussi,
la pensée comme un leurre ne piège que des ombres
(Gomukh)
Glacier de l’oubli ô neiges temporelles je vais en haute terre pour le chant fragile d’une autre lumière pour l’arc de la solitude
et le silence en moi d’un frère rapace, double nourri de cendres et qui hurle quand s’éloigne le feu
(Bushbasa)
Les os ivres de pureté et transis
les pèlerins toussent sous leurs châles
ce qui tremble en eux
est une attache fine
le dernier fil
du dernier doute
il y a dans leurs yeux
un désir trop farouche
une attente embrasée,
au grand jour on dirait qu’ils méditent
le règne de l’insomnie
(Ganga)
La déesse s’est voilée de pluie elle passe de rive en rocher comme une torche dans les embruns comme le songe ultime d’une vie qui n’est pas tout à fait défaite
(Gangotri)
Le temple s’appuie contre un nuage seule une litanie peut donner en partage un air de réalité
Apre est la mélancolie de ce que le temps disperse mais douce est la folie de la déesse
(Baghirati)
J’avance et avance avec moi
ce qui passe,
d’un geste je voudrais
effacer qui j’étais
au geste précédent,
et la terre
m’est une attente sombre
(Rishikesh)
Le soir descend sur la grève
et la grève devient l’arc-en-ciel de la nuit
du jour éteint glisse une ombre,
chant obscur qui met un cœur de sable
dans le cœur et le sang
De reflet en reflet s’effaçant
le monde enfui se perd comme une âme
la vague de l’au-delà déferle au-dedans
une corneille mantelée disperse les offrandes
chacun s’abandonne aux mains vides du temps