élégie
Pour quel soleil,
Stéphane, pour quelle blessure muette?
Le monde a mis sa peau de chacal,
il fait froid jusqu’au fond des os,
le sang n’est plus qu’un battement de cendre.
Dans nos mains, des images de sable, des épées de larmes.
Tu es si beau que le dernier ange
t’a légué sa grâce et son sourire,
si beau que la lumière
n’a laissé sur la pierre
depuis qu’elle est lumière
qu’un seul reflet très pur où baigner son visage.
Aribaze est pour moi plus beau que la beauté,
disait la stèle ancienne –
déjà ses mots n’avaient d’autre destin que toi,
d’autre présent que toi
qui fus sur le cargo de
Trébizonde,
dans le bus d’Ispahan, à
Faizabad, au
Nouristan,
plus vivant que la vie, plus beau que la beauté.
Sur nos épaules, une nuit secrète, une ombre rouge marquée au fer.
D’un cœur trop vaste tu embrasses la terre offrant ton passage en partage et le ciel qui titube.
Il n’est pas sûr que tu aies voulu voir cette aile tranchée aux rives du désert, ce poids de plumes mortes qui étouffaient de grands rêves éveillés.
De quelle violence était ton infinie douceur?
L’âme venait-elle à nous manquer?
Dans le cristal sans tache
d’un temps qui n’existe pas,
qui n’existe plus à
Kaboul,
Maïmana ou
Hérat,
tu quittes la ville à cheval
un bel autour au poing.
Il n’y a ni capture ni saccage
mais un envol de poussière et de feu,
un seul envol si haut
que tout se fait mystère,
ô alezan d’azur, migrateur d’azur,
ô cavalier d’azur.
Pour quelle blessure muette,
Stéphane, pour quel soleil?