L’arbre-sec

André Velter
par André Velter
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Passée cette ombre petite et pauvre

l’horizon prenait couleur d’hérésie —

un dos de dragon

le tranchant d’une épée empoisonnée

un souffle abstrait dans la poussière du ciel,

ce n’était plus un refuge

mais une chimère noire

une bague de néant

qu’un cavalier d’apocalypse

avait tenue entre ses dents

pour la fée folle des sables.

Au confluent des peurs

seul et sec

l’arbre était

l’êpouvantail du vide.

Il voyait le monde aveugle

le monde sans raison ni saisons

le monde de l’anathème

et du poignard dans l’épaule.

Il écoutait le chant d’un espace sans o

la plainte des esprits calcinés —

plus un rire pareil au repentir de l’Ange.

C’était lui jadis

qui était venu dans un rêve dt roi

mettre à pleine voix

le saccage :

Abattez l’arbre, brisez ses branches,

arrachez son feuillage, jetez son fruit,

que les bêtes fuient son abri

et les oiseaux sa ramure.

Mais que restent en terre

dans des liens de bronze et de fer

la souche et les racines…

La malédiction fut pain béni,

aliment des pillards et des femmes

en peine dans le désert.

Non la limite n’était pas si proche

ni l’inconnu cerclé de flammes,

il y avait un au-delà aux pensées encloses

un au-delà aux brumes enracinées

aux tourments du
Jeu de saint
Nicolas

aux outrages de l’émir de l’outre-Arbre-Sec

et à toutes les légendes qui clouent

les remords sur les ombres,

un au-delà que suivaient les caravanes.
Plus loin c’était encore de l’aube des mystères et des nuits trouées des hommes qui épousaient la guerre ou qui la répudiaient par amour du destin, c’était des champs de riz des vergers de mûriers des crissements de soie aux doigts des musiciens et même la voix prise de boisson d’un poète qui liait les étoiles au linceul

au turban dénoué de son front pour un départ désinvolte.

Sur la ligne de partage des fanatismes –

rives de soir et de soif

de sueur et de sens,

les feux renaissaient.

Les déserteurs avaient inventé

la fraternité de tous les dangers

chacun s’exilait d’un pays qui n’était

pas tout à fait le sien

d’un temps qui n’était pas

d’un dogme qui n’était pas tout à fait

d’un songe qui n’était pas tout à fait le sien.

L’arbre mort du
Khorassan

aiguisait le désir d’outrepasser

de fuir de disparaître de changer d’éternité.

Adieu
Bagdad adieu
Byzance

adieu les grands dieux assassins

gavés de pommes rouges,

les sans-nom sur la terre aimaient
Balkh
Babylone

Gayâ
Khotan et les temples engloutis

les ruines où nichent les gypaètes

les sentiers qui s’égarent les âmes infinies –

ce qui donne à la vie la présence et l’oubli.

André Velter

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