Les ombres portées de gerenton
1
Il y a du vide
au fond des pierres,
des éclats d’absence
dans la poussière,
et la lumière découpe
et tranche.
Ce qui s’assemble
n’est pas l’unité
mais un alliage double
qui ne s’éternise
que dans les ruines du feu.
2
Les mains des ouvriers sont devenues vacantes, outils abandonnés, brisés, et carrière désertée.
La création est en attente
dans un champ d’éboulis, dans un champ de rocs levés que l’érosion n’a pas encore asservis au temps.
Le créateur repère les angles vifs qu’il n’effacera pas.
3
Chaque bloc
à peine marqué par la gradine
semble l’écharde, le remords
d’une œuvre ajournée,
l’état brut
où se rêvent les remparts,
les tours, les cathédrales,
les forteresses imprenables
en mal d’éternité
et qui se trouvent dispersés
avant d’avoir été.
4
Tout manque
c’est notre secret
au miroir d’une roche nue
qui ne reflète
que des blessures d’instant
sans passé ni futur
sans force
sans certitude,
qui ne réfracte qu’une proie fragile dans le clair-obscur.
5
Les traces ne font pas signe,
elles disent le passage des traces
et de tous ceux qui vont
sans illusion, sans lieu,
mais alertés, mais éveillés
à la buée des choses.
Tout est fixé dans le vertige,
enraciné dans le vent,
amarré à l’errance,
à l’impatience, au creux du ciel.
Tout est disjoint.
6
La poussière est devenue
l’ombre portée des pierres,
l’ombre blanche qui marque l’envol possible,
la migration des atomes, des âmes,
loin, très loin des lisières,
des frontières, des noms,
pour d’autres noces,
là où le corps se mêle
à des visions plus vastes
et se perd dans une visée plus haute.
Notre monde est si peu de ce monde…