Mouvements
Il y a ceux
qui vont au bout du monde
pour se voir
entre quatre horizons,
ceux qui dérivent au loin
pour se garder
un espoir de retour
et ceux qui partent, ô
Baudelaire,
pour partir.
Ce sont gens de déroute
d’exil et de grand vide
qui prennent souffle dans le feu
et le secret éclat des songes.
A distance ils se tiennent proches
d’un nuage en cavale
d’une source perdue dans les yeux d’une fille
ou du silence qui suit le rire trop vaste
d’une tragédie sans objet.
L’infini scintille à leur cou
écharpe d’herbe et de chimère
pour ne pas dire de néant et de nuit.
Ils ont depuis l’enfance le goût
des saisons violentes
des fruits qui agacent les dents
des métaphores qui montent à la tête
prenant sans cesse les devants
et improvisant à tombeau ouvert.
Sous leurs pas, la terre
comme un gouffre une étreinte
une blessure qui jubile
de n’être ni refuge ni repos,
la terre comme boulet de granit
bille de bois globe de cendre
sphère de froid boule de lave,
la terre comme une marraine sans recours
comme une marée sans rivage
comme une bulle d’éternité qui crève
au bec d’un oiseau mort.
Le champ du monde écoute la poussière qui va
et tous ceux qui s’enivrent d’un destin
de schiste et de mica
de basalte et de craie
de sel de soufre de fumée,
tous ceux qui s’éveillent en sursaut
de leur tendresse exaspérée.
Quel est ce songe qui coupe le retour?
Quel est ce ravissement
qui choisit contre
Dieu
la migration du carbone du chlore ou de l’êther?
erviers de grande prédation les soleils de nos vies s’évadent et s’amenuisent,
le jeu se rejoue à l’envers
où le pendu n’est qu’une corde
et la mandragore un talisman de poupée.
Sages déchus
prophètes qui n’êtes dignes
celui qui nous voit ne peut croire
que nous ne sommes point là
campés bon pied dans l’histoire
solides au poste et bon œil
mais déjà départis de nous
déjà dénoués des autres
déjà plus qu’à peine effacés.
Princes déchus
mendiants qui n’êtes dignes
le premier pas n’a pas été et le dernier
n’existe pas plus que le soi-disant
bout du monde,
le voyage qui nous a traversé
compose conjugue et décompose
les temps de ce futur-passé
qui veille à l’insomnie des choses.