Suffocation
Il en est de la ferveur comme de la vanité des rêves, ses temples sont bâtis sur les sables du temps, avec la sueur des exclus et la superbe des rois. Qui les dieux pourraient-ils donc exaucer? Le terrassier ou le brahmane, la danseuse ou le tailleur de pierres? Les idoles sont pareilles à des idées sombres qui surgissent de la peur, du trouble, de l’âme noire des êtres. Qu’elles grimacent ou sourient, elles sont gorgées de dénuement humain. Du fond de leur sanctuaire, elles vivent de hantises muettes, de soumissions et de fièvre.
Elles ne sont rien, que des images attisées, que des braises déjà cendres pour entraver les fronts autant que les esprits. Leur empire est une chimère monstrueuse et douce. Elles ne sont rien, qu’une indéracinable espérance, qu’un irrépressible murmure pour contrer le silence, le silence qui vibre toujours comme un écho du destin. Elles ne sont rien, et leurs yeux de pierre, d’argent ou d’or n’assurent aux pèlerins que l’amnésie des longs sommeils. Les plus hautes tours, les plus fortes murailles, les plus riches trésors assoient le spectacle du monde et serrent le plus grand leurre. Que les foules s’entassent, que les malades gémissent, que s’illusionnent les femmes stériles, que s’apaisent les pauvres, que la ronde infernale se nourrisse d’elle-même et se tienne loin de la lumière! Chaque temple qui se dresse en majesté est un obstacle, un sortilège, un retard au bord du chemin.