La mort devant
Avec la mort devant
L’homme franchit l’écorce touche à la moelle afflue vers le cœur
Son œil retrouve grain ses pas rabattent les pièges
Sa main ajuste la clef
Ni les neiges ni la verdeur
Ni l’écart ni les ruses
Ne rebutent l’acharné au visage collé d’os
Bientôt
nous nous coucherons
dans ses archives sans frontières
Bientôt
nous coulerons
au fond du lit de tous
Sous la cotte fraternelle
d’eau de terre et de vent
III
Peuples plantes bêtes
On agonise
on sombre
on s’éteint en tous lieux!
Répandue
en parcelles de chair de nerfs de sève de souffles de sang la vie croît
Puis s’inverse devant la seule issue
Morte vie
figée dans l’absence et le givre
Germe
qui surnage et craque
dans chaque vertèbre du froid
IV
Aucune main ne tient la terre
Aucun regard ne la contient
Si
Dieu est
Il ne sait point se dire
Sur nos sols
battus d’orages bordés de phares heurtés de rêves
Aucune grille ne verrouille le temps
Avec la
Mort devant
la terre mâche fleurs et cris
l’argile recouvre les remparts
«
Je » parle sans nœuds
Avec la
Mort devant les brindilles s’écartent les barrières se dissipent l’énigme s’inverse
La plaine s’est dilatée
VI
Morts stagnantes
Mort-espace
Morts hérissées
Mort très lisse
Morts qui ruissellent
Vers la
Mort aux reflets abolis
VII
Soudés au temps
Coulés dans le projet
Serrés contre l’armature
A la solde du passé
A la charge du présent
Soutenus par nos mains
Secourus par nos signes
Nous heurterons de front
La mort
Dans l’opiniâtre genèse où s’œuvre notre liberté
Nous garderons œil de pèlerin et charge d’étoiles
VIII
Mort
Ton image propice
Dissipe les décors
Les printemps s’affûtent
L’aube s’aiguise
La vie boit l’existence
Je m’étends sur ma face
J’enfante le large
IX
Si la
Mort était morte
D’où s’élèveraient les métamorphoses?
Renaître perdrait son filon
Avec la
Mort devant
Ce qui a son
Résonne
x
Nous qui avons encore à vivre ferons entorse à l’infini
Nous romprons les plaines d’éternité
Nous piocherons les champs engourdis
Nous qui avons encore à vivre coulerons sueur dans les mots presserons nos appels dans les terriers enfoncerons fleur et sel
dans l’épaisseur des mondes
Avant que notre sang ne se minéralisé
Nous qui avons encore à vivre
parlerons de ronces et d’âme de ciment et d’argile de naufrage et d’épis
XI
Le feu prend le feu lâche
Selon l’espace
selon l’écoute
selon l’amour
XII
Avec ce cœur qui plombe ta chair
Avec ce regard qui voyage
Avec ce corps qui te resserre
Avec ces années qui te rythment
Dans la forêt de tes gestes
Dans l’aventure de ta parole
Portant l’atlas de tes souvenirs :
Tu retourneras à tes os
Blanchi de tes viscères
Purgé de ton sang
Filtré au crible de la mort
Tu te nicheras dans tes os
Jusqu’à l’ultime échange.