Feu les oiseaux
Si le monde
Etait un raisin transparent
Qui survivrait ?
De l’autre côté de la mer Les arbres se remplissent D’oiseaux incorruptibles
L’aile d’un ange
A ma fenêtre obscure
Neige
Mon coeur prends garde ! Cette année quel retard Sur l’églantine
Dans le fond de la cour Un tilleul oublié Parfume les abeilles
L’âme hors les blés cette perdrix Cette pierre Qui retombe
Ah ! laisse-moi disparaître Dans le cours vaste et vert De tes veines
La paix
Tu la tiens dans tes mains
Comme un melon d’eau
L’heure qui monte vers midi Laisse tomber son ombre Dans la nuit
Dans le jardin désert Un pavot glorieux Danse pour toi seul
L’été chaque fois plus royal
Chaque fois plus mortel
L’abeille toujours plus transparente
Dans un village de cigales Un mort repose Qui eût avec moi partagé la
Les chemins avaient dit
Séparons-nous ici
Où le jour a des pieds de cristal
Dans une tombe si je l’ouvrais Je trouverais Le bleu du ciel
L’oiseau touché à mort D’un coup de son aile blessée A dépassé le jour
Et maintenant qui peut le retenir
Exultante blancheur
De s’en aller au coeur de l’ineffable
Sur l’âme sur les tombes
On n’entend plus
Que la tranquille colombe
Dans une impitoyable douceur
Je cueille
Les colchiques du silence
Je flotte dans un coeur trop grand
Ou bien est-ce la mer
La mort déjà qui me prend
Suis-je autre chose maintenant Qu’une plage de sable unie Offerte à l’océan
Dans l’ombre intemporelle Une âme radieuse M’expose au soleil
Va mon coeur laisse tout Rêvais-tu de garder en cage Les étoiles filantes
J’ai rejoint les oiseaux sauvages Oh ! ne me cherchez plus Qu’ailleurs
Viens nuit ô flamboyante Emporte-moi quand le vent passe A la lisière du jour
Dans l’empyrée des oiseaux
Seule me guide
La géographie des étoiles
II
Si j’étais fleur
La nuit je conduirais à la danse
La prairie
Le jour éclate comme une grenade Et je vais boire A son coeur étoile
Au bord de l’herbe heureuse Je me suspends je tremble Avec les papillons
Il suffit
Sur la pointe des pieds que passe l’églantine
Pour absoudre la terre
Chaque fleur le sait-on Garde au coeur le nuage irisé D’une abeille absente
Toutes ces heures perdues Le vent les sème sur la prairie En grand secret
Demain si c’était moi
Tout ce rire doré des renoncules
Qui déferle
Que rêves-tu ma vie Que rêves-tu captive Entre tes murs de safran
Cette vague là-bas de lavande Et qui m’appelle Avec la voix de la mer
Je veux qu’on invite l’été
Le jour où la mort m’entraînera
Vers ses bosquets de corail
Le soir venu
Les coquelicots qui chantaient dans l’avoine
Se sont tus
Je respire je froisse
Au fond du jour la menthe bleue
Lit pur
Tout en haut de la tige
La fleur de la solitude
Se repose dans l’eau du ciel
Dans le monde inquiet des racines l’hiver est doux
Comme une musaraigne
La fleur s’en est allée en allée où Là-haut dans l’or des galaxies une étoile Hésite
III
Le mûrier en mourant M’a laissé son ombre Fruitée
D’un seul coup d’aile
Si je pouvais trouer le ciel
De tes yeux
Alors j’entrerais en toi Clarté prunelle mer De la béatitude
Le mot paradis
Cette neige d’été sur l’âme
Le déplie
Flûtes forêts limpides Ombellifères soifs de mon âme Où êtes-vous
Le vent quelques baies mortes Un grésil de papillons froids Ce qui reste à la fin du jour
Le coeur qui veut garder en soi
La rose
Garde aussi les épines
Mais toi laisse tout
Avant que l’aigle royal
Ne plane sur nos abondances
Oh maintenant que la route
S’arrête ! L’air seul
Ici peut soutenir transparentes les prêles
L’éblouissant me porte
Moi
Porteuse d’ombre
Encore une fois l’abeille
Tant aimée
Surpasse à la danse le jour
Le monde est si tranquille
Cueilli
Sous le feuillage de l’éternité
Asseyons-nous au milieu des airelles Simplement pour aimer leur dire Leur beau nom d’air qui ruisselle
Les yeux des morts Dans l’ombre ont des iris Pour mes rocailles
A vous qui n’éclairerez plus
La terre flambeaux éteints je mendie
Le feu
Pourquoi craindrions-nous la nuit Puisqu’elle rend Vertigineux le rossignol
Un trèfle frais
Plein de galops flamboyants
M’appelle
Ah! laissez-moi vous rejoindre gazelles
Laissez-moi
Me perdre avec vous dans les sables
Si j’erre si j’ai soif Je creuserai des puits Dans le ciel
Et nous boirons ma vie nous boirons De cette eau Jusqu’à en mourir