Heures
Quelle importance
Dit-elle
Que je parle
Que je me taise pour toujours
Le vent souffle vers le désert
Y aura-t-il même
Un palmier qui m’entende
J’appelle à moi le chant
Que le siècle blesse à mourir
Goutte à goutte je le recueille
Mais pour qui
Deuil et désir
J’erre parmi les noirs étangs
Eblouie
De si peu même du cri
Rauque de la grenouille
La jeunesse décomposée La terre couverte de plaies Hélas hélas où conduire mes pas Vole ma vie en éclats Et que la poésie se pare De tout ce que je perds
La poésie fruit défendu Belladone mortelle Dans la débordante Mangeoire universelle
Ne riez pas
Ne condamnez pas si
Contre l’avance des concasseurs
Seule une tige nue
Persiste
Nous sommes les derniers Indiens
Nous sommes les Papous
Les fous les poux
D’un monde antédiluvien
Un oiseau mort depuis longtemps
Chante pour une étoile éteinte
Et plein de grands papillons d’août
Le jour se pend
Sous les beaux térébinthes
A tant de nuit à tant de nulle
Floraison
S’oppose avec douceur
La rose
Au fond des millénaires
C’est ici qu’ils vécurent moururent
Les yeux pleins de rêve
C’est ici qu’ils jouèrent mais d’une flûte
Si triste
Que notre cœur en fut à jamais Transpercé
Vigne heureuse penchée
Sur mes réveils si lourds
Par tous tes pampres retiens-moi
De glisser hors du jour
La nuit pourra venir
Souffler sur mes paupières
Le silence pourra tenir
En laisse tous mes airs
Mais pas avant
Que j’aie jeté aux quatre vents
Mon chant de mort
Et planté dans le front du temps
Mes banderilles d’or
Je suis poussière et cendre Disait le vieil homme
Oh ! l’immense clameur qui monte de Sodome Je suis poussière et cendre Mais j’implore je crie Pitié pour cette ville innombrable De morts
Moi qui savais des mots Pour enchanter la mort Et des secrets pour endormir
Les bêtes carnassières J’ai peur
De ces ombres qui lynchent ma raison Dans un grand bruit rond D’étoffes qu’on déchire
Laissez ah ! laissez-moi
Me perdre dans ce lac d’asphodèles Elles regardent dans les yeux Le ciel
Que m’emporte ce clair essaim Et la nuit viendra boire Dans ma main
C’était peut-être en rêve
Une pluie me tombait des yeux
Le cœur tremblant je descendais
Le chant de la rivière
Les âges me couvraient de leur feu
Et je passais légère
En des fonds somptueux
Quand je serai sous la mer
Compagne d’hippocampes et d’éternelles
Danses quand je serai
Dans les profonds jardins d’iris
Ne m’écrivez pas
Quelles questions sous tant de bleu
Ne se perdraient
Ne me demandez pas
Si j’exulte en ce lieu
Sur vos rivages ma réponse
Serait rejetée
Ne serait-ce mon cœur
Sang d’Arabie vase de Perse
Cette fleur
Illusion que le vent disperse
En mille moucherons moqueurs
Que peut contre la poésie tout ce fleuve de lave
Si dans le monde où nous sommes
Un chant fût-il éteint depuis longtemps
A un autre chant d’homme
Fût-il né dans mille ans
Correspond les oiseaux le savent
Et que peut contre les oiseaux
Transparents
L’hydre du temps
Le souffle noir des hyènes Sous le rossignolier
Mais les radieux Sont trop hauts
Passe le bel ici-bas
Passent les jours si longs
Blessure immonde
Je porte en moi comme le plomb
La mortelle contradiction
D’être et de n’être pas
Au monde
Les blessures comme le feu
Semblent finir par s’endormir
Tromperie
Dans leurs ventres laiteux
Elles roulent des incendies
Chaque matin
Livrée au feu et aux bêtes sauvages
Aux termites anthropophages
Qui me dévorent à grand bruit
Et me laissent en vie
Dans une mort sans fin
Si la seule innocence Etait au fond de l’invisible Dans le regard incorruptible De l’enfant mort à la naissance Où n’entreront jamais Que l’azur et la paix
Deux araignées géantes Se promènent dans mon cerveau Depuis le temps qu’elles tentent De l’étouffer dans leur réseau De fils atroces ne voient-elles Qu’en jouant des oiseaux Brisent la toile de leurs ailes Rossignols d’ombre plus fidèles Que le sang sous la peau
Toi rossignol de mon triste été Prends possession de cette terre Que je vais quitter Dis à la rose et à l’ombellifère Qu’elles seront les plus fortes Rends grâce pour l’absente A la glorieuse lumière Vis et chante Lorsque je serai morte
Bâtissez-moi un grand tombeau
Une haute fontaine
Je vous dis que rien n’est trop beau
Pour ton sommeil ô longue peine
De vivre que nulle eau
N’est assez pure pour atteindre
En moi le ciel profond
N’est assez fraîche pour éteindre
Ces soifs qui détruisent le corps
Ces feux qui brûleront
Les portes de la mort
J’avais reçu trois anneaux d’or
Le premier s’est noyé
Dans le cours du temps
Le deuxième une pie l’a volé
Pour son cou blanc
Le troisième coeur d’ellébore
Garde un secret
Qu’un seul regard en l’effleurant
Briserait
Suspendue au fil
Du lumineux été
La libellule
En gloire semble attester
Que vivre est une royauté
Fragile
Si j’étais le berger
De mes pensées de mes rêves obscurs
Je passerais le mur
Des nuits
J’irais conduire mon léger
Troupeau jusqu’à l’inaccessible source
Et nous boirions au long été
Perdu toute peur endormie à mes pieds
Chienne douce
Moi l’envolée
J’ai perdu dans les airs la trace des oiseaux
Moi l’écoulée
En dormant j’ai perdu la voix des passeurs d’eau
Je suis le chant qui s’en va tout seul Entre terre et ciel
Que je dorme statue
Pierre sauvage sous ton nom
Mycènes que mes veines tes rues
Mêlent leurs sangs de plomb
Ne serait-elle ta cruauté dorée
Plus douce à l’âme que ce temps damné
Chut écoutons les grillons heureux Flûter l’amour
Et sur un air solaire les troupeaux laineux Gagner la source où ronronne le jour
La beauté
Foulée aux pieds par ce siècle barbare
Avec ma sœur la lune
Qui peut les délivrer
Douleur douleur
Le cœur n’est plus
Qu’un cimetière d’astres éboulés
L’arbre en hiver
Se roule dans la douceur fourrée
Des étoiles
Tous ces flocons de neige une absence Infinie de pétales
Mais les fleurs de l’été ne serait-ce leur danse Inverse et royale
Laissez dormir les heures Le temps n’est plus à prendre La mort s’impatiente d’attendre Sous la pluie que je meure Chaque matin je suis cette ombre Qui se délivre d’elle-même Et danse à la froide fontaine De son double à ses pieds
puis retombe
L’espace est mon jardin
La mer l’habite
Tout entière avec ses vents lointains
Les planètes lui rendent visite
La vie la mort
Egales jouent à la marelle
Et moi captive libre j’erre au bord
De longs jours parallèles
Je parle tout le jour
Avec les coquillages le corail blanc
De la mort et je joue
A me perdre dans les étangs
Pleins d’iris jaunes de grenouilles
Bulbeuses
Qui me reconnaîtrait Dans cette vase où grouillent Tous mes rêves défaits