La voie nomade
O rompre les amarres
Partir partir
Je ne suis pas de ceux qui restent
La maison le jardin tant aimés
Ne sont jamais derrière mais devant
Dans la splendide brume
Inconnue
Est-ce la terre qui s’éloigne Ou l’horizon qui se rapproche
On ne saurait jamais dans ces grandes distances
Tenir la mesure
De ce qu’on perd ou ce qu’on gagne
Pour aller jusqu’au bout du temps Quelles chaussures quelles sandales d’air Non rien
O tendre jour qu’un mince fil d’été Autour de la cheville
Mais le cercle d’argent
Au poignet l’enfant d’arc-en-ciel
Me conduit aujtésert
Une femme nomade y a gravé
Toutes ces traces d’oiseaux blessés
Et les suivant peu à peu s’est perdue
Dans les sables
Le prochain puits
Me rendra-t-il en tremblant mon visage
Immortel
Ou seulement l’appel sauvage
Et fou qui plonge dans sa nuit
Comme un glaive
Si je m’égare
O que ce soit à l’heure de midi
Et au milieu d’étincelantes
Dunes leurs dômes de cannelle
Et leur fuite dorée
De gazelles
Endormez-vous mes terres Mes atlantides endormez-vous Je garde en moi l’appel Ebloui des rivières J’emporte la flûte Ardente de tous les chants
Je sais que la nuit sera longue Et que le froid me brûlera Les yeux que le scorpion me guette En silence et que des chiens avides Gardent la porte du jour
Peut-être qu’à la fin du jour Se lèvera d’entre les harpes La brise du désert Plus ineffable que le rossignol Et que seul peut entendre Le cœur intemporel
Si le temps me touche Si la mort m’arrête Alors que ce soit D’un doigt éblouissant
Ce n’est pas l’ombre que je cherche
Ni l’humble signe
De la halte sous les palmiers
Tranquilles ni l’eau ni l’ange
Gardien d’oasis
Je cherche le chemin qui dure
Toujours toujours toujours
Et pour guider la marche Une cage une tombe D’oiseaux désenchantés Leur voix mise à prix
Dans la forêt en cendres s’est tue O compagnons d’errance Et de ciel
L’âme bleuie de froid
Quelle surprise pour la mort Qui l’ouvrira
D’y trouver la fraîcheur sucrée De la figue mûre
Si je pouvais glisser mon ombre Dans la lumière immobile Et passer en des mots Qui ne soient plus qu’allégement Et envol d’amandiers
O rendez-moi la fougue et l’espace et l’audace Et la royale autorité Du danseur de corde
Aurai-je cette fois aurai-je à délaisser La mer la grande maternelle Mer et ses bras d’ardoise
Tant d’adieux tant d’adieux O messagers Entre vos ailes
A mon poignet trois pierres Chaque matin se baignent dans le ciel Trois pierres de lune et le ciel est pris Pour la prière Et pour la rêverie
Si les ombres sur le chemin Si les tristesses n’étaient rien Que mirages mirages sur le sel De nos larmes
Ce n’est pas
Au moment de mourir tous les cris
Déchirants de la terre que j’emporterai
Toutes les larmes non
Mais ce rire d’enfant comme un chevreuil
Qui traverse la foudre
Le bleu des lointains me transperce
Et tout le bleu du vent
Et jusqu’à l’âme
Le bleu cavalier de la mort
Je m’arrête parfois sous un mot
Précaire abri à ma voix qui tremble
Et qui lutte contre le sable
Mais où est ma demeure
O villages de vent
Ainsi de mot en mot je passe
A l’éternel silence
Oh je l’entends Mais quel ange me le dérobe Ce dernier chant de flûte Au bord de l’ineffable
A la fin de la traversée
M’attend la souveraine saison
Sous ma tête
Le sable chaud du long sommeil
Une pelisse d’étoiles
Sur mon ombre humaine
Plus avant plus avant
Vers les terres extrêmes
Où il n’y a ni routes ni refuges
Rien que les plis laissés par le dernier repos
Du vent
Me fascinent
Les routes nulles du désert
Et la longue patience des chameaux
Ce là-bas
Ce chant cette aube
Cet envol de ramiers
Cet horizon comme un jardin
Qui repose dans la lumière
Et les aromates
II
J’ai retrouvé par hasard
Sous les feuilles ma petite flûte d’enfant
Et je sais que tout près d’ici
Je vais revoir la place d’herbe humide
D’où s’envolait sans fin
Le héron cendré
Toi
O si peu de bois tendre
Qu’un souffle trop ardent
Te briserait entre mes doigts
J’essaie encore
De ma bouche engourdie
Ce mince chant où venaient se poser
Jadis les paons de jour
Si nous devons tomber
Que ce soit d’une même chute
Etincelants
Et brefs comme l’oiseau
L’arbre
La foudre
Pour tout bagage
Pour tout péage
Cet air de flûte qui chancelle d’un silence
A l’Autre
La solitude
Cette broussaille désolée
Du cœur
D’où monte à la fin du jour
Une salve de colibris
En vain chercherons-nous sur le rivage
Une demeure
Nous ne sommes que de passage
Et glissons sur un fleuve à la gorge ouverte
Entre les astres
Que faire
Contre le vent qui nous glace Qui livre aux gouffres de la nuit Et à jamais les douces cendres Du dernier phénix
Le poète chassé du monde Pour ses yeux trop bleus Pour ses chevaux d’ivoire Qui arpentent le crépuscule Pour son orgue de barbarie Encastré dans la mort
Les oiseaux qui ceignent mon front
Noirs enchanteurs
Au tombeau de la poésie
O faites
Que le feu de la mort les change
En étincelles
Le silence ô je l’appelle Tout ce vacarme de mouettes
Dans nos murs et pour quelle
Conquête
Cependant qu’au-delà des mers
Sans bruit
Un giroflier mûr
Embaume l’île entière
Ce chant trop lourd
Je laisse à la nuit son poids d’ombre
Et le reste
Je le donne à l’espace
Qui le donne à l’oiseau qui le donne
A l’ange éblouissant
Pendant que je dormais
La lumière est entrée dans mon cœur
Comme une fine aiguille de feu
Qui sans relâche me consume et me déchire
Mais d’une façon telle
Que l’arracher serait rendre le cœur
A sa nécropole
Nous avions cru chanter Sur la plus haute branche Et nous n’étions qu’à peine Au-dessus des grenouilles
Ce jour d’avril
Parce que ma force s’est perdue Et que mes pas s’embourbent Je salue chaque brin d’herbe D’un regard qui tremble
Réduite à rien
A pousser devant moi le frileux troupeau
Des paroles brebis de laine
Et de vent
Le temps que tombe un citron mûr Sur la paume du jour Mes yeux retrouvent la fraîcheur De l’enfance
La foule ici comme l’orage
Eclate sur ma tête
Oh je m’éloigne
Avec les chèvres millénaires
Je disparais je monte
Entre les roches parfumées
Jusqu’à la citadelle
Blanche des paradisiers
Plus le temps se fait sombre Et la route aride Plus je remplis Mon fichu d’étoiles
C’est peut-être le sort des vieilles terres De voir leurs sources peu à peu tarir Ou encore celui du vieux poète Lentement dépouillé de ces larmes Qui en tombant essuyaient la poussière De ses sandales
Levée avant les heures Je jette au vent ces mots Poignée de graines dédiées Au monde ailé du jour
Si je devais m’arrêter
Mycènes c’est ici
Sur tes flancs ravagés par l’Histoire
Que je déposerais mon errance
Ma flûte tendre
Et sa rumeur d’oiseaux blessés
Ne me retenez pas si
Au détour du chemin
Tout à coup
Emportée vers les sources du jour
J’escalade le chant du merle
La seule tristesse
C’est de savoir que les jours s’ouvriront
Comme des lys au fond du temps
Que l’amour dans le cœur de l’homme
Continuera de déployer
Ses roseraies
Que la beauté comme naguère
Embaumera les pas du voyageur
Et que sous tant de fleurs
J’aurai les yeux remplis de terre