La voie nomade

Anne Perrier
par Anne Perrier
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O rompre les amarres

Partir partir

Je ne suis pas de ceux qui restent

La maison le jardin tant aimés

Ne sont jamais derrière mais devant

Dans la splendide brume

Inconnue

Est-ce la terre qui s’éloigne Ou l’horizon qui se rapproche

On ne saurait jamais dans ces grandes distances

Tenir la mesure

De ce qu’on perd ou ce qu’on gagne

Pour aller jusqu’au bout du temps Quelles chaussures quelles sandales d’air Non rien

O tendre jour qu’un mince fil d’été Autour de la cheville

Mais le cercle d’argent

Au poignet l’enfant d’arc-en-ciel

Me conduit aujtésert

Une femme nomade y a gravé

Toutes ces traces d’oiseaux blessés

Et les suivant peu à peu s’est perdue

Dans les sables

Le prochain puits

Me rendra-t-il en tremblant mon visage

Immortel

Ou seulement l’appel sauvage

Et fou qui plonge dans sa nuit

Comme un glaive

Si je m’égare

O que ce soit à l’heure de midi

Et au milieu d’étincelantes

Dunes leurs dômes de cannelle

Et leur fuite dorée

De gazelles

Endormez-vous mes terres Mes atlantides endormez-vous Je garde en moi l’appel Ebloui des rivières J’emporte la flûte Ardente de tous les chants

Je sais que la nuit sera longue Et que le froid me brûlera Les yeux que le scorpion me guette En silence et que des chiens avides Gardent la porte du jour

Peut-être qu’à la fin du jour Se lèvera d’entre les harpes La brise du désert Plus ineffable que le rossignol Et que seul peut entendre Le cœur intemporel

Si le temps me touche Si la mort m’arrête Alors que ce soit D’un doigt éblouissant

Ce n’est pas l’ombre que je cherche

Ni l’humble signe

De la halte sous les palmiers

Tranquilles ni l’eau ni l’ange

Gardien d’oasis

Je cherche le chemin qui dure

Toujours toujours toujours

Et pour guider la marche Une cage une tombe D’oiseaux désenchantés Leur voix mise à prix

Dans la forêt en cendres s’est tue O compagnons d’errance Et de ciel

L’âme bleuie de froid

Quelle surprise pour la mort Qui l’ouvrira

D’y trouver la fraîcheur sucrée De la figue mûre

Si je pouvais glisser mon ombre Dans la lumière immobile Et passer en des mots Qui ne soient plus qu’allégement Et envol d’amandiers

O rendez-moi la fougue et l’espace et l’audace Et la royale autorité Du danseur de corde

Aurai-je cette fois aurai-je à délaisser La mer la grande maternelle Mer et ses bras d’ardoise

Tant d’adieux tant d’adieux O messagers Entre vos ailes

A mon poignet trois pierres Chaque matin se baignent dans le ciel Trois pierres de lune et le ciel est pris Pour la prière Et pour la rêverie

Si les ombres sur le chemin Si les tristesses n’étaient rien Que mirages mirages sur le sel De nos larmes

Ce n’est pas

Au moment de mourir tous les cris

Déchirants de la terre que j’emporterai

Toutes les larmes non

Mais ce rire d’enfant comme un chevreuil

Qui traverse la foudre

Le bleu des lointains me transperce

Et tout le bleu du vent

Et jusqu’à l’âme

Le bleu cavalier de la mort

Je m’arrête parfois sous un mot

Précaire abri à ma voix qui tremble

Et qui lutte contre le sable

Mais où est ma demeure

O villages de vent

Ainsi de mot en mot je passe

A l’éternel silence

Oh je l’entends Mais quel ange me le dérobe Ce dernier chant de flûte Au bord de l’ineffable

A la fin de la traversée

M’attend la souveraine saison

Sous ma tête

Le sable chaud du long sommeil

Une pelisse d’étoiles

Sur mon ombre humaine

Plus avant plus avant

Vers les terres extrêmes

Où il n’y a ni routes ni refuges

Rien que les plis laissés par le dernier repos

Du vent

Me fascinent

Les routes nulles du désert

Et la longue patience des chameaux

Ce là-bas

Ce chant cette aube

Cet envol de ramiers

Cet horizon comme un jardin

Qui repose dans la lumière

Et les aromates

II

J’ai retrouvé par hasard

Sous les feuilles ma petite flûte d’enfant

Et je sais que tout près d’ici

Je vais revoir la place d’herbe humide

D’où s’envolait sans fin

Le héron cendré

Toi

O si peu de bois tendre

Qu’un souffle trop ardent

Te briserait entre mes doigts

J’essaie encore

De ma bouche engourdie

Ce mince chant où venaient se poser

Jadis les paons de jour

Si nous devons tomber

Que ce soit d’une même chute

Etincelants

Et brefs comme l’oiseau

L’arbre

La foudre

Pour tout bagage

Pour tout péage

Cet air de flûte qui chancelle d’un silence

A l’Autre

La solitude

Cette broussaille désolée

Du cœur

D’où monte à la fin du jour

Une salve de colibris

En vain chercherons-nous sur le rivage

Une demeure

Nous ne sommes que de passage

Et glissons sur un fleuve à la gorge ouverte

Entre les astres

Que faire

Contre le vent qui nous glace Qui livre aux gouffres de la nuit Et à jamais les douces cendres Du dernier phénix

Le poète chassé du monde Pour ses yeux trop bleus Pour ses chevaux d’ivoire Qui arpentent le crépuscule Pour son orgue de barbarie Encastré dans la mort

Les oiseaux qui ceignent mon front

Noirs enchanteurs

Au tombeau de la poésie

O faites

Que le feu de la mort les change

En étincelles

Le silence ô je l’appelle Tout ce vacarme de mouettes

Dans nos murs et pour quelle

Conquête

Cependant qu’au-delà des mers

Sans bruit

Un giroflier mûr

Embaume l’île entière

Ce chant trop lourd

Je laisse à la nuit son poids d’ombre

Et le reste

Je le donne à l’espace

Qui le donne à l’oiseau qui le donne

A l’ange éblouissant

Pendant que je dormais

La lumière est entrée dans mon cœur

Comme une fine aiguille de feu

Qui sans relâche me consume et me déchire

Mais d’une façon telle

Que l’arracher serait rendre le cœur

A sa nécropole

Nous avions cru chanter Sur la plus haute branche Et nous n’étions qu’à peine Au-dessus des grenouilles

Ce jour d’avril

Parce que ma force s’est perdue Et que mes pas s’embourbent Je salue chaque brin d’herbe D’un regard qui tremble

Réduite à rien

A pousser devant moi le frileux troupeau

Des paroles brebis de laine

Et de vent

Le temps que tombe un citron mûr Sur la paume du jour Mes yeux retrouvent la fraîcheur De l’enfance

La foule ici comme l’orage

Eclate sur ma tête

Oh je m’éloigne

Avec les chèvres millénaires

Je disparais je monte

Entre les roches parfumées

Jusqu’à la citadelle

Blanche des paradisiers

Plus le temps se fait sombre Et la route aride Plus je remplis Mon fichu d’étoiles

C’est peut-être le sort des vieilles terres De voir leurs sources peu à peu tarir Ou encore celui du vieux poète Lentement dépouillé de ces larmes Qui en tombant essuyaient la poussière De ses sandales

Levée avant les heures Je jette au vent ces mots Poignée de graines dédiées Au monde ailé du jour

Si je devais m’arrêter

Mycènes c’est ici

Sur tes flancs ravagés par l’Histoire

Que je déposerais mon errance

Ma flûte tendre

Et sa rumeur d’oiseaux blessés

Ne me retenez pas si

Au détour du chemin

Tout à coup

Emportée vers les sources du jour

J’escalade le chant du merle

La seule tristesse

C’est de savoir que les jours s’ouvriront

Comme des lys au fond du temps

Que l’amour dans le cœur de l’homme

Continuera de déployer

Ses roseraies

Que la beauté comme naguère

Embaumera les pas du voyageur

Et que sous tant de fleurs

J’aurai les yeux remplis de terre

Anne Perrier

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