Lettres perdues
Par les fentes de l’éternité
Nous parlerons ensemble
Cherchant nos souffles
Peu à peu laissant nos voix
Se réaccorder
Toi ciel moi terre
Nous parlerons longtemps longtemps
Jusqu’à ce que l’été
Nous couvre de volubilis
Autour de moi les grandes fleurs
Muselées du jour
Mon cœur comme la mer
Se retire
Est-ce midi
Minuit?
L’heure pleine de feuilles mortes
Plie
Mon frère entre la sauge et l’ombre
Repose
Que le jour sur le jour
Croise ses liserons
Tu vois
La mort sent l’herbe la rosée
Ton cœur s’est rempli de grillons
Repose
Mon frère entre la menthe et l’ombre
Pour toi
Le temps sèche dans un herbier
Moi au bord de la terre
Je guette encore
Le prochain départ des oiseaux
Par les forêts et les fougères Par mille sources Par les eaux de l’abîme Par la neige inaccessible Mon frère je t’appelle
Comment veux-tu que je dorme?
D’une pluie à l’autre
Tout ce poivre dans mes yeux
Oh! dans le vent d’automne
Ce jamais plus
Comme un volet qui bat
Cet infini battement d’ailes!
Qui chercherait des fruits des fleurs
Ne trouverait rien
Très haut dans le ciel
Nos âmes se croisaient
Comme des alouettes
L’espace fut notre royaume
O temps de gloire! La mort
Te mène douce vers les fleuves
Méridiens et graves
Tu t’éloignes tu pars
Le premier sous les arbres bleus
Que tu disais que nous disions
Heureux
J’ai repris seule nos beaux chemins
Ceux que le temps n’aurait pu contenir
Et qui furent d’éternelle saison
Sous les abeilles
J’avance seule où nous allions
Prunelles bleues
Dans l’air oiseaux limpides
Feu
Vous qui peuplez de rires Votre nuit vous qui lisez Sous des lampes pourries Vous qui passez Les âmes à gué N’approchez pas Ici n’entrèrent Que larmes et lumière
Allume pour moi
L’éternelle étoile…
Quand finira la terre?
Je suis perdue dans le brouillard
J’ai froid
Et la nuit rôde
Comme le jaguar
Oh ! les clartés les soleils Les braises de l’enfance Et tout au bout de nos prairies Les anges lumineux des rivières Rappelle-toi nous étions purs Comme les heures du jour Quand elles rentrent du bain
La cruche que nous portions ensemble Tu partis seul la remplir Ah! dans l’air où je brûle Verse-moi à boire
Les nuages pouvaient passer Les vents avaient beau s’en aller Revenir et la lune courir Sur la voie lactée Jamais jamais ne fut brisé L’arc de la distance Seules nos voix de paille Habillèrent l’absence Puis le silence vint Comme le merle
Je ne sais plus rien de toi Les palissades du ciel Gardent bien leur secret Si je questionne les étoiles Elles ferment les yeux Où sont-ils les jardins profonds Et frais que nous cherchions Aux lisières perdues de l’enfance
Sur ma table Une rose fleurit En silence
Celle que tu suivis
Un dimanche d’octobre
Cela faisait si longtemps
Qu’elle marchait à ton côté
Douce cherchant tes yeux
Sous la pluie
Elle tenait le philtre le remède
Le diamant vierge
Elle chantait pour t’endormir
Elle savait qu’on prend ainsi les enfants
Dans la nuit
Maintenant tu ne marches plus Dans la maison de verre Tes mains ont fini de capter Les vents solaires Tu es parti Laissant après toi L’appel radieux des
Oh ! que le monde est froid
Dans l’hiver
Aujourd’hui conduis-moi
Vers les puits de lumière
Aie pitié
Ouvre-moi les veines que je boive
La mort incandescente
Ton âme tourmaline Saphir liquide Ton âme je le sais Dieu la porte à son doigt
Mère de la perpétuelle enfance
Merci
Le ciel entier n’a-t-il fleuri
Le jour où fut coupé d’ici
Ce rameau vert
Que vous gardiez à l’abri
De l’hiver
Tu as laissé sous nos yeux le chemin Mais non la rive et la vallée Qu’on touche à la fin du voyage Ni le raisin ni le feuillage Ni la rivière constellée Du translucide été Oh! l’éternelle vie
Un seul instant baisse la vitre!
Dans le train de nuit
Mes yeux s’ouvrent comme des marguerites
Je ne vois rien
Mes yeux errent en vain
Parmi les ombres et pourtant
De quoi suis-je éblouie
Sinon de l’heure glorieuse
Arrêtée au-dessus de nous
Tu voulais que personne ne pleure!
Toi qui savais que le cœur
Est tendre mesure
Et rouge-gorge dans la main
Et clématite aux murs
Du jardin
Quelle digue pourrait tenir Contre la mort et la douleur Contre le vent du nord Arrachant le fil De l’amour Oh ! les eaux de la mer Couvrez mes terres Pour toujours
Regarde frère marin
N’est-ce pas ici
Qu’étincellent nos larmes
Aurons-nous peur des vagues
Et de la houle et de ce bleu sans fin
Dans nos veines
Le vent se lève viens nous danserons
Dauphins légers
Sur la crue des siècles
J’ai vu larguer l’arc-en-ciel
Et voler haut
Les oiseaux de mer
J’ai vu le vent baisser l’aile
Et descendre sur l’eau
D’un golfe solitaire
J’ai vu mais à quoi bon
Cette douceur passagère
Ma vie se rompt
Sous le fer
Le long des saules
Où vont les barques dans l’hiver?
Où vont les feuilles par milliers
Livrées au vent?
Où vont les songes morts où vais-je
Entre pluie et neige?
Me voilà seule au bord de l’eau courante Où hier à peine
Nos mains de sable poursuivaient Sous la pierre les truites
Comment as-tu pu croire Que le monde se passerait de toi Hissez tout en haut du mât Ma peine comme un étendard Pour ceux qui se noient
Je ne savais pas ce que veulent dire
L’absence le mourir
Les mains vides subitement
Sur l’oiseau qui s’envole
Amère amère école
Mon cœur est vieux à l’instant
Tout est prêté comme le chant
Du rossignol
Et ma vie maintenant la voilà
Fruit vert fruit suspendu
Entre deux branches
Impatient d’un poids
Qui le fera choir
Sur la terre promise
Cherchant le feu cherchant le froid
Guettant la brise
Qui l’emportera
Oh ! ne serait-ce de ta puisée Dans le torrent de l’Amour Que lui vient chaque jour Sa part de rosée