Notre sœur la mort
Le jour se fend
Comme un noyau de pêche
Amande amère amande
Un oiseau passe
L’air tremble un peu plus fort
Ce n’est rien
Que le rire en pente
Des morts
L’oiseau qui va mourir
Est seul
Personne
Pour étendre ses ailes
Au sommet du vent
Personne pour lui dire
Que la mort est royale
Comment partir
Suivre l’étroite veine
Et le fleuve de sève
Gagner les cordages
Monter
Plus haut que les feuilles
J’agonise
Dans un nœud de l’arbre
Aucune chose ici Ne dira oui Ou non
Le fil de l’araignée Frissonne sur l’abîme… Qui peut passer? Seule une abeille Met le feu au silence
Je vis en rond Dans une motte de terre A l’abri de quoi ? Entre les pailles je vois Le ciel qui fond Comme un oiseau de proie Son aile suffit à troubler Les blés
Le temps à peine
De dire adieu
Le monde m’est tiré du cœur
Comme un poignard
La déchirure doucement
Se referme
Minuit
La paix des chrysalides
Est si profonde
Attente
Regard
Moins qu’une ombre
Plus transparent
Que la prunelle d’un ange
Un mort
A si peu de chose à faire
Que le temps l’oublie
O désirable Eternité
Dans la rose d’une heure Dans les yeux qui passent Dans la voix qui luit Dans la beauté des jours Qui coulent vers la mer Je te bois comme un vin
Le vide par moi
Se consume
Vos larmes je les change
En rubis
Vos cris
En étincelles
Mes bienheureux
Dit-elle
Je suis la gardienne
Du feu
On m’a dit
Que les violettes de l’oubli
Sont la seule compagnie
Des morts
Y a-t-il un printemps?
Moi je sais que la nuit
Vient d’abord
De quoi aurais-je peur
Depuis longtemps
L’ombre est ma demeure
Lentement
Comme on forme une fleur
Apprends-moi
Les trois humbles voyelles
Du oui
Je suis mille Je serai une Tranquille absolue Equation résolue Charade trouvée Toujours verte pensée De Dieu
J’ai soif
Les sources qui m’appellent
Sont menteuses
Ici
Le dernier mot des choses
Est mirage
Seule me reste
Cette lourde fleur jaune
La solitude
Je suis l’été
Dit-elle encore
Plantez vos tentes
Sur mes bords
Je coule à vos pieds
Soleil liquide ou vin
Celui qui m’a goûtée
Fleurira
Qu’on me laisse vieillir Sous l’amandier mûr L’automne est proche Le temps de voir partir Les hirondelles Et tout sera dit Le silence tombe En moi comme un fruit
On a creusé ma tombe
Au prochain cimetière
La terre sera prête
Moi non
La lumière sera pure
Moi non
Je suis l’enfant du sable
Et du limon
Les siècles passeront
Il faut tant d’eau
Pour laver une ombre
Aucun n’est pur
Dit-elle doucement
Venez à moi
Dans vos cœurs de semaine
J’ai les mains pleines
De paix
Mes bien-aimés
Moi qui suis digne
Je vous fais dignes