Poème pour la pauvreté
La poésie est morte
Les mots ont pris le voile
Quelqu’un ferme la porte
Et pose sur ma langue une étoile
On a mis les scellés Sur le cœur entr’ouvert L’ineffable mystère Garde son secret
Restent le silence les blés Aux cheveux courts Où le vent court Sans rien troubler
Reste la route aiguë Comme un cri Trois oliviers gris Comme trois mots perdus
Pauvreté ô ma sœur
Naguère j’avais des phrases
Pour te couvrir de fleurs
Quand je vivais dans l’emphase
Du cœur
Petite guenille
Aux yeux morts
Qui se roulait dans l’or
Et la pacotille
Maintenant qu’ai-je à dire
Les couteaux sont tombés
Tu m’attires
De tes deux mains coupées
Aie pitié de moi
Un lent pays droit
Sans feu ni source
Me prend et me repousse
Eloigne-toi ! ma vie N’est qu’un serpent mauvais Laisse-la fuir et se cacher Au fond d’un puits
Oh ! comment passer outre marcher Encore — sentir dans son dos L’abîme le ciel ouvert Comme un tombeau
Pourquoi ne m’as-tu pas laissée Sans gain ni perte Dormeuse non créée Dans l’éternité verte
Mais tu m’as regardée
Le monde a basculé
Dans le vide le monde a brillé
Comme un diamant offert
Sur la nuit 0 tentation
Unique et cent
O pierre
Sur ma paume sans fond
Comme un charbon ardent
Je tremble quelle proie peut suffire
A ce cœur absolu
Poussière es-tu
Royale apparence de vivre
Que le monde est beau
Près de se retirer
Vois il a roulé sur la plage
Les profonds coquillages
Du désir Revienne l’eau
Mystérieuse et douce! Et puis après…
Monde tais-toi ! Oh tu le sais
Pour qui se prend aux fables
Il n’y a plus d’après…
Maintenant qu’on ensable
Ton nom sous les flots
Déjà le vrai se détache du faux
Qu’on dresse la table
Pour celle qui vient
En larmes sur le chemin
Pauvreté mon unique
Mes mains lentement te découvrent
Sous la neige oblique
Tu as le visage de l’amour
Ah! c’était donc cela
Tant de violence dans mon cœur
Ce vent sauvage sur mes pas
Et tous ces coups de poignante douceur
Une voix dans la nuit me répète
Que la tendresse a faim
Que la miséricorde est nue
Et je viens
Comme un fantôme une ombre perdue
Dans les ombres muettes
Qui suis-je pour t’aimer
Ta lumière me tue
Ta gloire me brise ta beauté
Me déchire la vue
Mais je viens au-devant
De ton cœur mendiant
Irai-je jamais plus loin
O douloureuse infinitude
Du rien
Dans le temps qui s’éteint
Le soleil noir de la solitude
Laisse-moi voir dans la fontaine Au moins l’ombre d’une ombre humaine Laisse-moi toucher l’endroit Fraternel d’une voix
Rien ne bouge Ma propre voix s’est tue Lequel parlait de roses rouges A pleines mains nues
Ah ! t’aurais-je appelée De ma terre éblouie T’aurais-je suivie Si tu m’avais dévoilé Tes abîmes? Mon cœur défaille Mais l’ombre devient transparente Derrière ces murailles L’éternité chante
Conduis-moi dans l’hiver
Une dernière fois
O le silence la joie
Mer à mer
Le monde se recoud
Les routes disparues
Plus rien que l’immense étendue
De l’amour