A un enfant
Laisse en tes yeux si purs et si beaux d’innocence
Tristes plonger mes yeux,
Car j’ai besoin de voir aux regards de l’enfance
Se réfléchir les cieux.
L’aspect doux et serein de ta naïve joie
Calmera pour un jour
Ces orages brûlants qui me livrent en proie
Aux tourments de l’amour.
Fuis-les ces ouragans, courbe ta blonde tête,
Enfant, quand ils viendront ;
Car on garde longtemps d’une telle tempête
L’empreinte sur le front.
Mais si Dieu l’a voulu, jette au cou de ta mère
Tes deux bras défaillants ;
Une mère a toujours ses bras prêts, quand la terre
Manque à nos pas tremblants.
Une mère, vois-tu, c’est là l’unique femme
Qu’il faille aimer toujours,
A qui le ciel ait mis assez d’amour dans l’âme
Pour chacun de nos jours.
Aux suaves accords de sa voix douce et tendre
Endormi mollement,
Enfant aimé ta mère, aime-la sans apprendre
Que l’on aime autrement.
Aimer ! parole triste, insultante ironie
Pour qui vit un matin,
Mot fatal, et qui n’a d’écho dans cette vie
Qu’amertume et dédain !
Oh ! choisir une femme et créer autour d’elle
Tout un monde enchanté,
Et vouloir seulement pour la faire immortelle
Une immortalité !
A ses moindres discours suspendre tout son être,
Ému d’un doux espoir,
Et mourir tout le jour, hélas ! à se promettre
Un sourire, le soir !
Et lorsque ce. regard que le regard mendie
On n’a pu l’obtenir,
Sentir avec terreur à l’âme anéantie
Echapper l’avenir ;
A la vie, au bonheur, dans sa douleur farouche,
Jeter un morne adieu,
Tomber à deux genoux le front contre sa couche
Et s’écrier : « Mon Dieu !
« Au lieu de les laisser l’un sur l’autre descendre
Si pesants à mon cœur,
Mon Dieu ! ne pouvez-vous ensemble les reprendre
Tous ces jours de malheur ? »
Épuiser ces tourments qu’en ce monde où nous sommes
On ne peut exprimer,
Lentement en mourir, dans la langue des hommes
Cela s’appelle aimer !