La convalescence d’un enfant
— Réveillez-vous, ma sœur, votre enfant vous appelle ;
Ses yeux se sont ouverts, et sa bouche a parlé ;
Un Ange l’emportait vers la vie éternelle,
Mais il a vu vos pleurs, et ses pleurs ont coulé.
Trois fois l’enveloppant de ses divines ailes,
Il a pris dans ses bras le cher petit fardeau,
Et trois fois, en voyant vos larmes maternelles,
L’a replacé lui-même au fond de son berceau,
Disant, et cette voix harmonieuse et tendre
Vibrait si doucement que mon cœur se mourait,
Et comme un écho vague il me semblait entendre
Les mots mystérieux que l’Ange murmurait :
« Vis, ton berceau du ciel n’était pas prêt encore ;
Vis tout le jour de l’homme, enfant, et ses regrets ;
L’heure la plus charmante est celle de l’aurore :
Heureux qui la peut voir, et qui s’endort après !
Tu devais seulement porter la plus légère,
Mais ta mère a crié : Seigneur, je ne veux pas !
Et près de Dieu, là-haut, toujours veille une mère
Qui n’a point oublié ses peines d’ici-bas.
Enfant, tu vas reprendre, en ces sentiers de fange,
Ton voyage un moment troublé par la douleur :
De toi, parmi les siens, Dieu voulait faire un ange,
Reste, entre les vivants, un ange par le cœur.
Dans ce monde où tout ment, le front et la parole,
Où le regard lui-même a perdu sa beauté,
Couronné d’innocence à défaut d’auréole,
Reste petit enfant par la simplicité.
Cette fleur de Sagesse, en grâce si féconde,
Laisse-la dans ton sein croître et s’épanouir.
Son parfum exhalé, nul soleil de ce monde
Ne saurait désormais là Caire refleurir.
Le pauvre que la faim chasse de ville en ville
Rencontre quelquefois l’aumône vers le soir,
Mais sur le seuil ingrat d’où le vice l’exile
L’Innocence jamais ne reviendra s’asseoir.
Et tu ne voudrais pas que Dieu dît, en son heure,
A celle dont l’amour et les soins t’ont sauvé :
« J’ai laissé mon trésor caché dans ta demeure,
Et, durant ton sommeil, les voleurs l’ont trouvé. »