Souvenir de mai
Un matin que, troublé de sa mélancolie,
Mon cœur péniblement portait le poids du jour,
Je suivais le chemin, méditant la folie
A qui nous avons fait ce beau nom de l’amour.
Et je me demandais si jusqu’à la dernière
Elle tourmenterait mes heures, ici-bas,
Comme ce vent du nord qui va, dans sa colère,
Inclinant tour à tour les arbres sur mes pas.
Et je n’osais plonger mes regards dans l’allée,
De peur de voir au fond m’apparaître soudain
L’image que toujours mes vers gardent voilée,
Et que depuis longtemps j’adore de si loin.
Et c’est vous que j’ai vue… et blanche et reposée,
Vous étiez là, lisant : un saule vous couvrait,
Et sur votre front pur secouant sa rosée,
La haie harmonieuse entre nous murmurait.
Et ce tableau si doux de paix et d’innocence,
Amie, a fait rentrer le calme dans mon cœur,
Et j’aurais bien voulu, dans ma reconnaissance,
Effeuiller à vos pieds tout ce jardin en fleur.
Ainsi, dans cette vie agitée et flottante,
Quand nous nous croyons seuls et désertés de tous,
Par-delà le mur sombre ou la haie odorante,
Un ange du Seigneur passe à côté de nous.