Une larme

Antoine de Latour
par Antoine de Latour
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Quand sous les lèvres de ta mère
Ton front, ô jeune fille, est venu se placer,
J’ai vu languissamment tes longs cils s’abaisser,
Et même j’ai cru voir une larme glisser
Et luire au bord de ta paupière.

Le jour à ton chaste sommeil
A-t-il ravi trop tôt quelque merveilleux songe ?…
Oh ! ne le pleure pas ; en eux tout est mensonge ;
Eh ! quel songe, dis-moi, vaut l’extase où te plonge
Le premier rayon du soleil ?

Lorsque l’on est et jeune et belle,
Est-il, au sein des nuits, rêves si séduisants
Qu’ils puissent égaler ces mondes rayonnants
Qu’en sa fraîche pensée une vierge à seize ans
Voit se dérouler devant elle ?

Non, ce n’est pas encore cela ;
C’est donc qu’en t’éveillant une glace infidèle
A tes propres regards t’aura faite moins belle ?
Elle mentait !… D’ailleurs qu’importe la rebelle ?
Ton bien-aimé n’était pas là.

Hier soir sans doute, en silence,
Tu lisais à l’écart quelque récit d’amour,
Et ta lampe, soudain s’éteignant, jusqu’au jour
T’aura laissée hélas ! tremblante tour-à-tour
Entre la crainte et l’espérance ?

Peut-être à ton chant virginal
Refusant de s’unir, ton âme vive et tendre
Sur tes lèvres n’a pu monter et se répandre ?
Mais le génie est roi ; parfois il fait attendre
Longtemps l’harmonieux signal.

L’inspiration a son heure :
Impétueuse et libre, elle ne souffre pas
Qu’un maître la mesure et lui compte ses pas :
Attends-la fièrement, bientôt tu sentiras
Vibrer la corde intérieure.

— « Non, ma lampe, toute la nuit,
A brûlé sans s’éteindre, et ma glace est discrète ;
La harpe sous mes doigts n’a pas été muette,
Et mon calme sommeil n’a pas rêvé de fête
Qu’un jaloux réveil ait détruit.

Si le sourire m’abandonne,
Si pâle maintenant et triste tu me vois,
C’est que j’eus sur la terre une amie autrefois,
Et la mort la surprit lorsqu’ainsi dans les bois
Tombaient les feuilles de l’automne. »

Antoine de Latour

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