Souvenirs d’un printemps

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par Antoine Fontaney
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Nos beaux lauriers sont défleuris,
Des dernières fleurs dont l’automne
Orne encore sa pâle couronne,
Les derniers boutons sont flétris ;
Mais tandis qu’au sein de Paris
Déjà le sombre hiver t’enchaîne,
Moi, dans nos campagnes en deuil,
Et sur ces rives où la Seine
En baignant Saint-Denis s’enfuit vers Argenteuil,
Pour la dernière fois novembre me ramène.

De ce soleil voilé que j’aime la pâleur !
On dirait qu’en ces lieux tout comprend ma douleur.
Mais ces coteaux, ces bois, n’ont-ils pas leur tristesse ?
Ainsi que nos jours de bonheur,
Ainsi que nos moments d’ivresse,
Leurs beaux jours sont aussi passés ;
Le souffle des autans glacés
A déjà de leur chevelure
Dépouillé nos arbres chéris.
Cependant ces rameaux sans parfums, sans verdi
Dont mes pieds foulent les débris,
Qu’une saison s’écoule, et bientôt la nature
Va leur rendre une autre parure ;
Mais assisterons-nous encore à son réveil
Et serons-nous témoins de ses métamorphoses ?
Est-ce pour nous que le soleil
Jaunira le pampre vermeil
Et qu’il entrouvrira les roses ?

Ah ! Que j’accuserais le temps !
Que son cours serait lent pour moi, si le printemps,
En couronnant ces bois de leur nouveau feuillage,
Devait nous ramener aussi sous leur ombrage !

Pourquoi le jasmin embaumé,
L’acacia, la vigne errante,
Et la clématite odorante,
A ce berceau qu’ils ont formé
Suspendront-ils encore leur réseau parfumé ?
Sur le banc de gazon que protège leur voûte
Nous réunirons-nous le soir ?
Palpitant de crainte et d’espoir,
Sous les grands ormes de la route,
Non, je ne viendrai plus m’asseoir ;
Et favorisant le mystère
De ces nocturnes rendez-vous
Qu’eût révélés peut-être à des regards jaloux
Du soleil de la nuit le flambeau solitaire,
Quelque nuage errant, sous sa gaze légère,
Ne le voilera plus pour nous.

Frappant l’écho muet de ce triste ermitage,
Quand de l’horloge du village
Le marteau sur l’airain retentira neuf fois,
De ton lit solitaire à pas lents échappée
Et de ta mante enveloppée,
Tu n’iras plus, comme autrefois,
Te glissant dans la sombre allée,
Ouvrir, encore pâle et troublée,
A ton ami caché dans l’ombre du chemin,
Cette porte mystérieuse
Qui cédait doucement à l’effort de ma main,
Et que, hâtant ma fuite paresseuse,
Tu venais me rouvrir encore le lendemain.

Il me nous verra plus errer dans ses nacelles,
Et voguer sur ses flots doucement agités,
Ce beau lac où les hirondelles
Venaient le soir tremper leurs ailes ;
Ses bords qu’il t’a fallu quitter,
Je reviens seul les visiter.
Qu’ils sont changés par ton absence !
Est-ce de ton départ qu’ils semblent attristés ?
S’embellissaient-ils donc de ta seule présence ?
N’était-ce que par toi qu’ils étaient enchantés
Quand je les contemplais assis à tes côtés ?

Ici tu me montrais ce lointain paysage
Qui de Montmorency couronne les coteaux ;
Là le groupe animé des maisons du village,
Des hardis peupliers les mobiles rideaux,
Et ces saules pleureurs penchés sur le rivage,
Dont les cygnes au blanc plumage
Caressaient en passant les flexibles rameaux.
Alors, apparaissant au-dessus du feuillage
Souvent l’astre des nuits, de son pâle visage
Dessinait dans les cieux les contours argentés,
Tandis que du soleil les mourantes clartés
Teignaient de pourpre et d’or l’albâtre des nuages ;
Et nous, contemplant tour à tour
Ce spectacle imposant, ces riantes images,
Et ces derniers rayons du jour,
Dont les heures pour nous avaient été si lentes ;
D’une nuit promise à l’amour
Saluant enfin le retour,
Aux chants qui s’élevaient des nacelles errantes
Nous unissions aussi nos voix reconnaissantes,
Et ces délicieux concerts
Troublaient seuls le silence et le calme des airs.

Ô séjour enchanté ! Ces heures fortunées
A nous seuls tu les as données !
Aussi quel sol hospitalier,
Quel asile jamais nous ferait oublier
Les lieux qui les ont consacrées ?

Ah ! dans ces lointaines contrées
Où nous devons nous exiler ;
Soit que des mers traversant la barrière,
Réunis pour jamais, nous allions contempler
Ce ciel étincelant d’azur et de lumière,
Et ces torrents de feu que Naples sans trembler
Des sommets du Vésuve a ses pieds voit rouler ;
Soit que des Apennins nous franchissions les cimes,
Ou qu’à nos yeux le Saint-Gothard
Déroule ses profonds abîmes,
Ses pics entassés au hasard,
Et ses paysages sublimes ;
Alors au sein de ces heureux climats
Où parmi tant de grands spectacles
On voit l’Eté sourire au milieu des frimas,
Où la nature sur ses pas
D’une main si féconde a semé les miracles,
Un de ces souvenirs qui ne s’effacent pas
Frappera notre âme attendrie,
Et tournés vers notre patrie
Nous y retrouverons ce modeste séjour,
Ce paisible hameau, ces bords où notre amour,
Dans sa solitude chérie,
Vit couler tant d’heureux instants
Et les premiers beaux jours de son premier printemps.

Antoine Fontaney

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