Le melon
Ô manger précieux!
Délices de la bouche!
ô doux reptile herbu, rampant sur une couche !
ô beaucoup mieux que l’or, chef-d’œuvre d’Apollon !
Ô fleur de tous les fruits ! ô ravissant
Melon !
Les hommes de la cour seront gens de paroles,
Les bordels de
Rouen seront francs de vérole,
Sans vermine et sans gale on verra les pédants,
Les preneurs de pétun ‘ auront de belles dents,
Les femmes des badauds ne seront plus coquettes,
Les corps pleins de santé se plairont aux cliquettesa,
Les amoureux transis ne seront plus jaloux,
Les paisibles bourgeois hanteront les filous,
Les meilleurs cabarets deviendront solitaires,
Les chantres du
Pont-Neuf diront de hauts mystères,
Les pauvres
Quinze-Vingts vaudront trois cents
Argus *,
Les esprits doux du temps paraîtront fort aigus,
Maillet fera des vers aussi bien que
Malherbe,
Je haïrai
Faret”, qui se rendra superbe,
Pour amasser des biens avare je serai,
Pour devenir plus grand mon cœur j’abaisserai :
Bref, ô
Melon sucrin, pour t’accabler de gloire,
Des faveurs de
Margot je perdrai la mémoire,
Avant que je t’oublie, et que ton goût charmant
Soit biffé des cahiers du bon gros
Saint-Amant.