Le soleil levant

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par Antoine Girard de Saint-Amant
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Jeune déesse au teint vermeil,
Que l’Orient révère,

Aurore, fille du
Soleil,

Qui nais devant ton père,

Viens soudain me rendre le jour,

Pour voir l’objet de mon amour.

Certes, la nuit a trop duré;

Déjà les coqs t’appellent :
Remonte sur ton char doré,

Que les
Heures attellent,
Et viens montrer à tous les yeux
De quel émail tu peins les cieux.

Mouille promptement les guérets

D’une fraîche rosée,
Afin que la soif de
Cérès

En puisse être apaisée,
Et fais qu’on voie en cent façons
Pendre tes perles aux buissons.

Ha ! je te vois, douce clarté,
Tu sois la bien venue :

Je te vois, céleste beauté,
Paraître sur la nue,

Et ton étoile en arrivant

Blanchit les coteaux du levant.

Le silence et le morne roi

Des visions funèbres
Prennent la fuite devant toi

Avecque les ténèbres,
Et les hiboux qu’on oit gémir
S’cn vont chercher place à dormir.

Mais, au contraire, les oiseaux
Qui charment les oreilles

Accordent au doux bruit des eaux
Leurs gorges non pareilles

Célébrant les divins appas

Du grand astre qui suit tes pas.

La
Lune, qui le voit venir,

En est toute confuse;
Sa lueur, prête à se ternir,

A nos yeux se refuse,
Et son visage, à cet abord,
Sent comme une espèce de mort.

Le chevreuil solitaire et doux,
Voyant sa clarté pure

Briller sur les feuilles des houx
Et dorer leur verdure,

Sans nulle crainte de veneur,

Tâche à lui faire quelque honneur.

Le cygne, joyeux de revoir
Sa renaissante flamme,

De qui tout semble recevoir

Chaque jour nouvelle âme.

Voudrait, pour chanter ce plaisir,

Que la
Parque le vînt saisir….

L’abeille, pour boire des pleurs,
Sort de sa ruche aimée,

Et va sucer l’âme des fleurs
Dont la plaine est semée;

Puis de cet aliment du ciel

Elle fait la cire et le miel.

Le gentil papillon la suit

D’une aile trémoussante,

Et, voyant le soleil qui luit,
Vole de plante en plante,

Pour les avertir que le jour

En ce climat est de retour.

Là, dans nos jardins embellis
De mainte rare chose,

Il porte de la part du lys
Un baiser à la rose,

Et semble, en messager discret,

Lui dire un amoureux secret.

Au même temps, il semble à voir
Qu’en éveillant ses charmes,

Cette belle lui fait savoir,

Le teint baigné de larmes,

Quel ennui la va consumant

D’être si loin de son amant.

Antoine Girard de Saint-Amant

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