Les deux dindons

Antoine-Vincent Arnault
par Antoine-Vincent Arnault
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Fable XVII, Livre III.

Deux dindons s’engraissaient dans une métairie ;
Égaux en droits : l’un d’eux croyait pourtant valoir
Bien plus que son confrère. Hé pourquoi, je vous prie ?
Parce qu’il était blanc, et que l’autre était noir.
Aussi Dieu sait quels droits à la prééminence
Par un tel avantage il se croyait acquis,
Toisant son commensal de l’œil dont un marquis
Regarde un homme, de finance.
Vient cependant la Saint-Martin.
Le maître invite sa famille ;
Le maître ordonne un grand festin :
Il célébrait sa fête et mariait sa fille.
Or ce jour de bombance et d’indigestion,
Inscrit par La Reynière au rang des jours célèbres,
Est pour la basse-cour un jour des plus funèbres.
Le poulailler fut mis à contribution.
Dans le garde-manger dès la veille on admire
Deux compagnons de truffes parfumés.
Lequel des deux fut blanc ? on ne saurait le dire,
Car tous les deux étaient plumés.

Ainsi, sous l’éclat dont il brille,
Tel homme paraît sans égal,
Jusqu’au moment triste et fatal
Qui pour jamais nous déshabille.

Antoine-Vincent Arnault

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