Les Oiseaux

Antoinette Deshoulières
par Antoinette Deshoulières
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L’air n’est plus obscurci par des brouillards épais,

Les prés font éclater les couleurs les plus vives,

Et dans leurs humides palais

L’hiver ne retient plus les naïades captives.

Les bergers, accordant leur musette à leur voix,

D’un pied léger foulent l’herbe naissante ;

Les troupeaux ne sont plus sous leurs rustiques toits.

Mille et mille oiseaux à la fois,

Ranimant leur voix languissante,

Réveillent les échos endormis dans ces bois.

Où brilloient les glaçons, on voit naître les roses.

Quel dieu chasse l’horreur qui régnoit dans ces lieux ?

Quel dieu les embellit ? Le plus petit des dieux

Fait seul tant de métamorphoses !

Il fournit au printemps tout ce qu’il a d’appas :

Si l’amour ne s’en mêloit pas,

On verroit périr toutes choses.
Il est l’âme de l’univers.

Comme il triomphe des hivers

Qui désolent nos champs par une rude guerre,

D’un coeur indifférent il bannit les froideurs :

L’indifférence est pour les coeurs

Ce que l’hiver est pour la terre.

Que nous servent, hélas ! De si douces leçons !

Tous les ans, la nature en vain les renouvelle ;

Loin de la croire, à peine nous naissons

Qu’on nous apprend à combattre contre elle.

Nous aimons mieux, par un bizarre choix,

Ingrats esclaves que nous sommes,

Suivre ce qu’inventa le caprice des hommes,

Que d’obéir à nos premières lois.

Que votre sort est différent du nôtre,

Petits oiseaux qui me charmez !

Voulez-vous aimer, vous aimez ;

Un lieu vous déplaît-il, vous passez dans un autre.

On ne connoît chez vous ni vertus ni défauts ;

Vous paroissez toujours sous le même plumage,

Et jamais dans les bois on n’a vu les corbeaux

Des rossignols emprunter le ramage :

Il n’est de sincère langage,

Il n’est de liberté que chez les animaux.
L’usage, le devoir, l’austère bienséance,

Tout exige de nous des droits dont je me plains ;

Et tout enfin du coeur des perfides humains

Ne laisse voir que l’apparence.

Contre nos trahisons la nature en courroux

Ne nous donne plus rien sans peine ;

Nous cultivons les vergers et la plaine,

Tandis, petits oiseaux, qu’elle fait tout pour vous.

Les filets qu’on vous tend sont la seule infortune

Que vous avez à redouter.

Cette crainte nous est commune :

Sur notre liberté chacun veut attenter ;

Par des dehors trompeurs on tâche à nous surprendre.

Hélas ! Pauvres petits oiseaux,

Des ruses du chasseur songez à vous défendre :

Vivre dans la contrainte est le plus grand des maux.

Antoinette Deshoulières

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