In pejus ruit

Auguste Angellier
par Auguste Angellier
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À Lucien Marcheix.

Je porte des douleurs plus vieilles que moi-même,
Mon cœur est encombré de chagrins hérités,
Et je sens quelquefois mon front devenir blême
De remords que je sais n’avoir pas mérités ;

L’angoisse, les regrets, les tares, les faiblesses
De ceux d’où nous sortons roulent à travers nous,
Pour passer, augmentés de nos propres détresses,
Par le cœur des enfants bercés sur nos genoux ;

Un fleuve plus chargé de hontes et d alarmes
Descend en emportant dans ses érosions
Des opprobres nouveaux et de nouvelles larmes,
Et grossit à travers les générations ;

Jusqu’à ce qu’entraînant toujours plus de misère,
Il charrie, en ses flots sans cesse plus malsains,
Un poison si puissant de mal héréditaire,
Qu’il tue, en y passant, les derniers cœurs humains ;

Et qu’épuisant enfin dans des êtres étranges
Son onde d’amertume en un dernier effort,
Il aille déposer ses limons et ses fanges
Dans l’estuaire immense et morne de la Mort.

Auguste Angellier

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