Séparation
Ainsi donc tu t’en es allée ;
Tu suivis, sans te retourner,
La pâle et jaunissante allée
Qu’Octobre allait découronner !
Je vis s’éloigner ta démarche,
Qui vers moi se hâtait jadis ;
Mes yeux, plus tristes à chaque arche
De rameaux déjà déverdis
Dont allait s’accroissant l’espace
Qui nous séparait pour toujours,
Admiraient cependant la grâce
De ton corps souple aux fins contours.
Ô doux corps de lait et de neige,
Toujours languissant et frileux,
Toujours priant qu’on le protège,
Doux corps d’albâtre lumineux,
Ô doux corps, digne du Corrège
Par l’exquise et molle lueur
Qui vêtait, comme un sortilège,
Sa grâce lente et sa blancheur !
Il s’éloignait hors de moi-même,
De mes bras déserts évadé,
Me laissant un front toujours blême
Un cœur toujours dépossédé.
Tu marchais la tête penchée ;
Le regret, peut-être, un instant,
De notre tendresse arrachée,
Ralentit ton pas hésitant ;
Et peut-être même une larme
Tremblait-elle en tes chers yeux bleus,
Au moment où mourait le charme
Dont nous aurions pu vivre heureux !
Ah ! peut-être un regard rapide,
Un seul, t’eût remise en mes bras,
Et rendue à mon cœur avide ;
Mais tu ne te détournas pas !
Tu marchais la tête penchée,
Sur le jaune et fauve tapis
Dont l’avenue était jonchée,
Sous les grands ormes assoupis ;
Je t’ai jusqu’au bout regardée
Dans la brume et dans le lointain,
Voyant ta forme dégradée
Flotter dans l’air plus incertain,
Jusqu’à l’âpre minute obscure,
Où, dernier adieu des adieux,
Le point d’or de ta chevelure
Mourut dans les pleurs de mes yeux