Amolli

Jardin touffu comme une clairière
Sur le rivage paresse l’éternelle chanson bruissante du
vent dans les feuillages des filaos

Coiffé d’un léger chapeau de rotin armé d’un grand
parasol de papier

Je contemple les jeux des mouettes et des cormorans

Ou j’examine une fleur

Ou quelque pierre

A chaque geste j’épouvante les écureuils et les rats
palmistes
Par la fenêtre ouverte je vois la coque allongée d’un steamer de moyen tonnage
Ancré à environ deux kilomètres de la côte et qu’entourent déjà les jonques les sampans et les barques chargés de fruits et de marchandises locales
Enfin le soleil se couche
L’air est d’une pureté cristalline

Les mêmes rossignols s’égosillent

Et les grandes chauves-souris vampires passent silen cieusement devant la lune sur leurs ailes de velours
Passe une jeune fille complètement nue
La tête couverte d’un de ces anciens casques qui font
aujourd’hui la joie des collectionneurs

Elle tient à la main un gros bouquet de fleurs pâles
et d’une pénétrante odeur qui rappelle à la fois la
tubéreuse et le narcisse

Elle s’arrête court devant la porte du jardin

Des mouches phosphorescentes sont venues se poser
sur la corne qui somme son casque et ajoutent encore
au fantastique de l’apparition
Rumeurs nocturnes

Branches mortes qui se cassent

Soupirs de bêtes en rut

Rampements

Bruissements d’insectes

Oiseaux au nid

Voix chuchotées
Les platanes géants sont gris pâle sous la lune

Du sommet de leur voûte retombent des lianes légères qu’une bouche invisible balance dans la brise
Les étoiles fondent comme du sucre

Blaise Cendrars

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