Bahr El-Zeraf
Il n’y a pas de hautes herbes le long des rives
De grandes étendues de terres basses se perdent au loin
Des îles affleurent la surface de l’eau
De grands crocos se chauffent au soleil
Des milliers de grands oiseaux couvrent les bancs de de sable ou de boue
Le pays se modifie
Il y a maintenant une brousse assez claire parsemée
d’arbres rachitiques
Il y a des petits oiseaux ravissants de couleur et des
bandes de pintades
Le soir à plusieurs reprises on entend rugir un lion dont
on aperçoit la silhouette sur la rive ouest
J’ai tué ce matin un grand varan d’un mètre et demi
Toujours le même paysage de plaines inondées
Le pilote arabe a aperçu des éléphants
L’intérêt est grand
Tout le monde monte sur le pont supérieur
Pour chacun de nous c’est la première fois que va se
montrer l’empereur des animaux
Les éléphants sont à trois cents mètres environ on en
voit deux gros un moyen trois ou quatre petits
Pendant le déjeuner on signale dix grosses têtes d’hippos
qui nagent devant nous
Le thermomètre ne varie guère
Vers 14 heures il y a régulièrement de 33 à 380
Le vêtement est costume kaki bonnes chaussures guêtres et pas de chemise
On fait honneur à la bonne cuisine du bord et aux bouteilles de
Turin brun
Le soir on ajoute seulement au costume de table un veston blanc
Milans et vautours passent en nous frôlant de l’aile
Après le dîner le bateau va se placer au milieu du fleuve pour éviter autant que possible les moustiques
Les rives se déroulent couvertes de papyrus et d’euphorbes géants
Le voyage est lent en suivant les méandres du fleuve
On voit beaucoup d’antilopes et de gazelles peu sauvages
Puis un vieux buffle mais pas de rhinocéros
Blaise Cendrars