La Coupée
On est enfin à quai un quai rectiligne moderne armé de grues de
Duisburg
Des mouchoirs s’agitent
On se fait des signes
Blanc-boubou-boubou-blanc m’a déjà oublié
Elle découvre dans la foule un long zigoto cuivré très chic
et indolent que je crois bien avoir déjà rencontré à
Paris
Elle est émue c’est beau puis lui fait signe de retenir un
porteur et lui fait comprendre par cris et par gestes
qu’elle a cinq malles de cabine et beaucoup beaucoup
d’autres bagages des grands et des petits
Moi je sais même tout ce qu’elle a dans ces malles car je
les lui ai bouclées ce matin alors qu’elle avait presque
une crise de nerfs
Au revoir gosselette gosseline elle passe maintenant la
coupée au bras de son type fin comme un chevreuil
inquiétant et attirant
Comme tout mélange princier de sang blanc et noir
Je songe au grand grigri créole qu’il porte dans sa culotte
Une voix monte du quai
Est-ce que
Monsieur
Biaise
Cendrars est à bord?
Présent!
Douze chapeaux s’agitent
Je débarque
Et l’on me photographie «
Monte là-dessus…
Monte là-dessus… »
Blaise Cendrars