La Guerre au Luxembourg
Une deux une deux
Et tout ira bien…
Ils chantaient
Un blessé battait la mesure avec sa béquille
Sous le bandeau son œil
Le sourire du
Luxembourg
Et les fumées des usines de munitions
Au-dessus des frondaisons d’or
Pâle automne fin d’été
On ne peut rien oublier
Il n’y a que les petits enfants qui jouent à la guerre
La
Somme
Verdun
Mon grand frère est aux
Dardanelles
Comme c’est beau
Un fusil
MOI!
Cris voix flûtées
Cris
MOI!
Les mains se tendent
Je ressemble à papa
On a aussi des canons
Une fillette fait le cycliste
MOI!
Un dada caracole
Dans le bassin les flottilles s’entre-croisent
Le méridien de
Paris est dans le jet d’eau
On part à l’assaut du garde qui seul a un sabre authentique
Et on le tue à force de rire
Sur les palmiers encaissés le soleil pend
Médaille
Militaire
On applaudit le dirigeable qui passe du côté de la
Tour
Eiffel
Puis on relève les morts
Tout le monde veut en être
Ou tout au moins blessé
ROUGE
Coupe coupe
Coupe le bras coupe la tête
BLANC
On donne tout
Croix-Rouge
BLEU
Les infirmières ont 6 ans
Leur cœur est plein d’émotion
On enlève les yeux aux poupées pour réparer les aveugles
Fy vois! j’y vois 1
Ceux qui faisaient les
Turcs sont maintenant brancardiers
Et ceux qui faisaient les morts ressuscitent pour assister à la merveilleuse opération
A présent on consulte les journaux illustrés
Les photographies
Les photographies
On se souvient de ce que l’on a vu au cinéma
Ça devient plus sérieux
On crie et l’on cogne mieux que
Guignol
Et au plus fort de la mêlée
Chaud chaudes
Tout le monde se sauve pour aller manger les gaufres
Elles sont prêtes.
Il est cinq heures.
Les grilles se ferment.
On rentre.
Il fait sou*.
On attend le zeppelin qui ne vient pas
Las
Les yeux aux fusées des étoiles
Tandis que les bonnes vous tirent par la main
Et que les mamans trébuchent sur les grandes automobiles d’ombre
Le lendemain ou un autre jour
Il y a une tranchée dans le tas de sable
Il y a un petit bois dans le tas de sable
Des villes
Une maison
Tout le pays
La
Mer
Et peut-être bien la mer
L’artillerie improvisée tourne autour des barbelés imaginaires
Un cerf-volant rapide comme un avion de chasse
Les arbres se dégonflent et les feuilles tombent par-dessus bord et tournent en parachute
Les 3 veines du drapeau se gonflent à chaque coup de l’obusier du vent
Tu ne seras pas emportée petite arche de sable
Enfants prodiges, plus que les ingénieurs
On joue en riant au tank aux gaz-asphyxiants au sous-marin-devant-new-york-qui-ne-peut-pas-passer
Je suis
Australien, tu es nègre, il se lave pour faire la-vie-des-soldats-anglais-en-belgique
Casquette russe
Légion d’honneur en chocolat vaut 3 boutons d’uniforme
Voilà le général qui passe
Une petite fille dit :
J’aime beaucoup ma nouvelle maman américaine
Et un petit garçon : —
Non pas
Jules
Verne mais achète-moi encore le beau communiqué du dimanche
A
PARIS
Le jour de la
Victoire quand les soldats reviendront..
Tout le monde voudra
LES voir
Le soleil ouvrira de bonne heure comme un marchand
de nougat un jour de fête
Il fera printemps au
Bois de
Boulogne ou du côté de
Meudon
Toutes les automobiles seront parfumées et les pauvres
chevaux mangeront des fleurs
Aux fenêtres les petites orphelines de la guerre auront
toutes une belle robe patriotique
Sur les marronniers des boulevards les photographes à
califourchon braqueront leur œil à déclic
On fera cercle autour de l’opérateur du cinéma qui mieux
qu’un mangeur de serpents engloutira le cortège
historique
Dans l’après-midi
Les blessés accrocheront leurs
Médailles à l’Arc-de-
Triomphe et rentreront à la maison sans boiter
Puis
Le soir
La place de l’Étoile montera au ciel
Le
Dôme des
Invalides chantera sur
Paris comme une
immense cloche d’or
Blaise Cendrars
Guerre