Rio de Janeiro
Tout le monde est sur le pont
Nous sommes au milieu des montagnes
Un phare s’éteint
On cherche le
Pain de
Sucre partout et dix personnes le
découvrent à la fois dans cent directions différentes
tant ces montagnes se ressemblent dans leur pirifor-
mité
M.
Lopart me montre une montagne qui se profile sur
le ciel comme un cadavre étendu et dont la silhouette
ressemble beaucoup à celle de
Napoléon sur son lit
de mort
Je trouve qu’elle ressemble plutôt à
Wagner un
Richard
Wagner bouffi d’orgueil ou envahi par la graisse
Rio est maintenant tout près et l’on distingue les maisons
sur la plage
Les officiers comparent ce panorama à celui de la
Corne
d’Or
D’autres racontent la révolte des forts
D’autres regrettent unanimement la construction d’un
grand hôtel moderne haut et carré qui défigure la baie
(il est très beau)
D’autres encore protestent véhémentement contre l’abra-
sage d’une montagne
Penché sur le bastingage tribord je contemple
La végétation tropicale d’un îlot abandonné
Le grand soleil qui creuse la grande végétation
Une petite barque montée par trois pêcheurs
Ces hommes aux mouvements lents et méthodiques
Qui travaillent
Qui pèchent
Qui attrapent du poisson
Qui ne nous regardent même pas
Tout à leur métier
Blaise Cendrars