Vancouver
Dix heures du soir viennent de sonner à peine distinctes
dans l’épais brouillard qui ouate les docks et les
navires du port
Les quais sont déserts et la ville livrée au sommeil
On longe une côte basse et sablonneuse où souffle un
vent glacial et où viennent déferler les longues lames
du
Pacifique
Cette tache blafarde dans les ténèbres humides c’est
la gare du
Canadian du
Grand
Tronc
Et ces halos bleuâtres dans le vent sont les paquebots
en partance pour le
Klondyke le
Japon et les grandes
Indes
Il fait si noir que je puis à peine déchiffrer les inscriptions des rues où je cherche avec une lourde valise un hôtel bon marché
Tout le monde est embarqué
Les rameurs se courbent sur leurs avirons et la lourde
embarcation chargée jusqu’au bordage pousse entre
les hautes vagues
Un petit bossu corrige de temps en temps la direction
d’un coup de barre
Se guidant dans le brouillard sur les appels d’une sirène
On se cogne contre la masse sombre ds navire et par
la hanche tribord grimpent des chiens samoyèdes
F:lasses dans le gris-blanc-jaune
Comme si l’on chargeait du brouillard
Blaise Cendrars