Cantique de la Vierge
L’âme de moi, sous cette chair enclose,
En nul vivant ores plus ne se fie :
Car elle estime, honore et magnifie
Le Seigneur Dieu pardessus toute chose.
Et mon esprit, pour la bonne assurance
De voir la fin d’ennuyeuse tristesse,
Se réjouit et fonde sa liesse
En Dieu, mon bien et ma sûre espérance,
Qui a daigné, par douceur amoureuse,
Jeter les yeux sur son humble servante,
Dont à jamais, de toute âme vivante,
Dite serai la plus que bienheureuse.
Un très grand bien, de grâce incomparable,
M’a fait Celui qui a telle puissance
Que tout chacun lui rend obéissance
Pour son saint nom à toujours mémorable.
Et sa clémence et pitié paternelle,
Toujours montrée aux siens de race en race,
Qui sont craintifs devant sa sainte face,
Demeurera à jamais éternelle.
Il a haussé, par vaillante surprise,
Son puissant bras, tout orné de victoire,
Et, pour montrer sa souveraine gloire,
Des orgueilleux a rompu l’entreprise.
Ceux qui avaient l’autorité plénière,
Contraint les a de leurs sièges descendre,
Pour pleinement restituer et rendre
Aux plus petits la dignité première.
Aux affligés de famine et grevances,
Qui se paissaient de langueurs et détresses,
Il a donné les plus grandes richesses,
Et renvoyé les riches sans chevances*.
Étant records** de sa pitié louable,
Dont ses plus chers il reçoit et embrasse,
Nouvellement lui a plu faire grâce
A Israël, son servant variable,
En ensuivant la promesse assurée
Qu’il fit aux chefs de notre parentage,
A Abraham et à tout son lignage,
Lequel sera d’immortelle durée.
(*) profits
(**) se souvenant