Spleen d’été
L’orageux crépuscule oppresse au loin la mer
Et les noirs sapins. L’ombre, hélas ! revient toujours.
Ah ! je hais les désirs, les espoirs, les amours,
Autant que les damnés peuvent haïr l’enfer.
Car je n’étais point né pour vivre : j’étais né
Pour végéter, pareil à la mousse ou pareil
Aux reptiles, et pour me gorger de soleil
Sur un roc d’un midi sans trêve calciné.
Aux plantes contigu, voisin de l’animal,
Famélique sans crainte et repu sans remord,
Je n’aurais pas connu ce que c’est que la mort ;
Mais, je vis ! et je sais qu’il est un jour fatal.
Le soir qui m’avertit, lugubre et solennel,
Que d’un soleil éteint le temps est plus âgé,
Accable abondamment mon coeur découragé
Du dégoût d’un bonheur qui n’est pas éternel.
Ô pins ! comme la nuit fonce vos mornes deuils !
La cigale avec ses grêles cris obsédants
Fait le bruit d’une scie aux innombrables dents
Dans l’arbre détesté dont on fait les cercueils.
Recueil : Soirs moroses