À Victor Hugo
Ami, d’où nous viens-tu, tremblant, pâle, effaré,
Tes blonds cheveux épars et d’un blond plus doré,
Comme ceux que Rubens et Rembrandt à leurs anges
Sonnent en leurs tableaux par des teintes étranges ?
Ami, d’où nous viens-tu ? d’où la froide sueur
De ta main qui me presse, et la blanche lueur
De ton front grand et haut comme s’il était chauve ?
Ta prunelle est sanglante et ta paupière est fauve ;
Ta voix tremble et frémit comme après un forfait ;
Ton accent étincelle ; — Ami, qu’as-tu donc fait ?
Ah ! oui, je le comprends, tu sors du sanctuaire ;
Ton visage d’abord s’est collé sur la pierre ;
Mais le Seigneur a dit, et ton effroi s’est tu ;
Et tous les deux longtemps vous avez combattu ;
Jacob et l’Étranger ont mêlé leurs haleines,
Mazeppa, le coursier t’a traîné par les plaines ;
Honneur à toi, Poète ; — honneur à toi, vainqueur !
Oh ! garde-les toujours, jeune homme au chaste cœur,
Garde-les sur ton front ces auréoles pures,
Et ne les ternis point par d’humaines souillures.
La sainte Poésie environne tes pas ;
C’est le plus bel amour des amours d’ici-bas.
Oh ! moi, qui vis en toi, qui t’admire et qui t’aime,
Qui vois avec orgueil grossir ton diadème,
Moi dont l’aspect t’est cher et dont tu prends la main,
Égaré de bonne heure, hélas ! du droit chemin,
Si parfois mon accent vibre et mon œil éclaire,
C’est vaine passion, misérable colère,
Amour-propre blessé, que sais-je ? — et si mon front
Se voile de pâleur, c’est plutôt un affront ;
C’est que mon âme impure est ivre de mollesse ;
C’est le signe honteux que le plaisir me laisse.
Septembre 1829.