J’ay fait l’obseque de ma dame
J’ay fait l’obseque de ma dame
Dedens le moustier amoureux,
Et le service pour son ame
A chanté Penser doloreux.
Mains cierges de soupirs piteux
Ont esté en son luminaire ;
Aussi j’ay fait la tombe faire
De regrez, tous de larmes pains,
Et tout entour moult richement
Est escript : Cy gist vrayement
Le tresor de tous biens mondains.
Dessus elle gist une lame
Faicte d’or et de saffirs bleux,
Car saffir est nommé la jame (1)
De loyauté et l’or eureux.
Bien lui appartiennent ces deux,
Car eur et loyauté pourtraire
Voulu en la tresdebonnaire
Dieu qui la fist de ses deux mains
Et fourma merveilleusement.
C’estoit, a parler plainnement,
Le tresor de tous biens mondains.
N’en parlons plus ! Mon cueur se pasme,
Quant il oyt les fais vertueux
D’elle qui estoit sans nul blasme,
Comme jurent celles et ceulx
Qui congnoissoyent ses conseulx (2).
Si croy que Dieu l’a voulu traire (3)
Vers lui pour parer son repaire
De paradis ou sont les saints,
Car c’est d’elle bel parement,
Que l’en nommoit communement
Le tresor de tous biens mondains.
ENVOI
De riens ne servent plours ne plains (4)
Tous mourrons ou tart ou briefment.
Nul ne peut garder longuement
Le tresor de tous biens mondains.
1. Jame : Pierre précieuse.
2. Conseulx : Conseils.
3. Traire : Attirer.
4. Plains : Pleurs et plaintes.