L’inconnue

Charles Dovalle
par Charles Dovalle
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C’était un soir que tout brillait de feux ;
Un soir qu’éclatant de lumières,
Tivoli lassait les paupières
De mille curieux.

Là, des bosquets blanchis ; là, des masses plus sombres ;
Des soleils de cristal, des jours brusques, des ombres
Qui s’allongent sur le gazon ;
Aux branches des ormeaux des lampes suspendues ;
Des nacelles dans l’air ; d’innombrables statues
Et des choeurs qui dansent en rond !

Ô jardins enchantés ! scènes éblouissantes !
Brises du soir ! zéphirs ! haleines caressantes !
Air brûlant, imprégné de désirs et d’amour !
Femmes, qu’on suit de l’oeil de détour en détour !
Tumulte ! bals confus, aux amants si propices !
Tourbillon entraînant ! Tivoli !… Quand mon coeur,
Froissé par le dégoût, mais ardent au bonheur,
Voudra du souvenir savourer les délices,
J’irai sous tes arceaux, à la place où brilla,
Comme un astre d’argent, comme un blanc météore,
Comme un premier éclat d’une naissante aurore,
Cette belle inconnue… Et je dirai : ‘ C’est là ! ‘

C’est là quelle s’assit, rêveuse
Et fermant ses yeux à demi :
Là qu’elle demeura, pâle et silencieuse,
Près d’un vieil époux endormi.

Malheureuse peutêtre au sein de la richesse !
Malheureuse peutêtre avec tant de jeunesse !…
Comme elle était belle, grand Dieu !
Et je l’oublîrais, moi !… j’oublîrais sa tristesse
Et son regard qui semblait un adieu !…

Non !… non, jamais ! Un jour, dans les fêtes bruyantes,
De plaisir, de beauté, des femmes rayonnantes,
Pourront étaler à mes yeux
De leurs dixhuit printemps les grâces orgueilleuses,
Et tracer, en riant, dans leurs danses joyeuses,
Des pas voluptueux.

Quand je verrai leurs rangs s’ouvrir à mon passage,
Quand j’aurai vu rougir leur gracieux visage,
Peutêtre alors mon coeur palpitera ;
A mes regards une autre sera belle :
Mais je dirai : Ce n’est pas elle…
Et mon bonheur s’envolera.

Charles Dovalle

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