Soupçon
Que le soc imprudent ait blessé sa racine,
Le lis ne soutient plus son front qui se flétrit ;
Son calice fermé languissamment s’incline,
Perd son dernier parfum, se dessèche et périt.
Aux jours de ton printemps, ainsi, triste et pensive,
Tu laisses le chagrin se glisser dans ton cœur :
Tu souffres, tu gémis, et ta bouche craintive
N’a jamais dans mon sein épanché ta douleur.
Hier, tu me disais : « Va, crois-en ma tendresse :
Le jour qui va venir chassera mon chagrin ! »
Il est venu ce jour, ô ma jeune maitresse !…
Où sont ces yeux plus purs et ce front plus serein ?…
Du soleil matinal quand un rayon timide
Traversait, en tremblant, les volets entr’ouverts,
Suspendue aux longs cils de ta paupière humide,
Une larme mouilla tes charmes découverts.
— Le pâtre attend en paix le retour de l’aurore ;
Sous le feuillage obscur l’oiseau vient se cacher :
Regarde, tout est calme… Et le soir trouve encore
Sur ta joue embrasée une larme à sécher !…
D’un éclair de gaîté qui sur ton front expire,
Ô ma Zélie ! en vain tu voudrais te parer ;
Dis-moi : pourquoi forcer tes lèvres à sourire ?…
Cela fait tant de mal !… — et tu voudrais pleurer !…
Pleure !… pleure ! Mais, quoi !… tu détournes la vue !…
Ma présence te pèse, et semble t’alarmer !…
Un mot, Zélie, un mot de ta bouche ingénue !…
Non ?… — Je comprends… un autre a su se faire aimer !
Avec les jolis riens, avec les doux murmures,
Dont tu semais, tout bas, des entretiens charmants,
Un autre plus heureux, de tes lèvres parjures,
D’un éternel amour a reçu les serments.
De ma trompeuse amante un autre a la tendresse ;
Un autre sourira, si, vers la fin du jour,
Je vois son bras tremblant presser l’enchanteresse,
Rouge encore de pudeur, de plaisir et d’amour…
— Ciel !… un triste soupir… une voix affaiblie…
Un reproche timide… Ah ! garde tes secrets ;
Je dois les respecter ; je le veux… — mais, Zélie !
Si j’avais des chagrins, moi, je te les dirais.