Les violiers
Ne retire pas ta douce main frêle ;
Laisse sur mes doigts tes doigts familiers :
On entend là-bas une tourterelle
Gémir sourdement dans les violiers.
Si près de la mer que l’embrun les couvre
Et fane à demi leurs yeux violets,
Les fragiles fleurs consolaient à Douvre
Un royal enfant captif des Anglais.
Et, plus tard encor, je sais un jeune homme,
Venu fier et triste au val d’Arguenon,
Dont le cœur se prit à leur tiède arôme
Et qui soupirait en disant leur nom.
Ainsi qu’à Guérin et qu’au prince Charle,
Dame qui te plais sous ce ciel brumeux,
Leur calice amer te sourit, te parle
Et de son odeur t’enivre comme eux.
C’est qu’un soir d’été, sur ces mêmes grèves,
Des touffes d’argent du mol arbrisseau
Se leva pour toi le plus doux des rêves
Et que notre amour les eut pour berceau.
Et peut-être bien que les tourterelles
Ont su le secret des fragiles fleurs :
Un peu de ton âme est resté sur elles
Et dans leur calice un peu de tes pleurs.