Sur un livre Breton
Tel que ces fines cassolettes
Des bazars de Smyrne et d’Oran,
Où court en minces bandelettes
Une sourate du Coran :
Du sachet vidé sur la flamme
Montent des parfums floconneux,
Subtils et pervers comme l’âme
Du vieux pays qui dort en eux.
Tel, en sa grisante fragrance,
Votre livre, ami, m’a rendu
Groix, Trégastel, la molle Rance
Et les joncs roses du Pouldu.
La mer s’éveille au long des cales.
Voici Saint-Pol, Vannes, Tréguier,
Les pâles villes monacales ;
Roscoff assis sous son figuier ;
Et Morlaix, la vive artisane ;
Guingamp, qui, fidèle à son duc,
Montre maint coup de pertuisane
Aux trous de son manteau caduc ;
Penmarc’h, désolé par Brumaire ;
Auray la sainte ; Erg au flot blanc,
Et Lannion, qui fut ma mère
Et que mon cœur nomme en tremblant…
Ô genêts d’or de Lannostizes !
Les sources sanglotent. Là-bas,
J’entends frémir sur les cytises
Les abeilles du Bourg-de-Batz.
Et c’est ton âme triste et douce,
Toute ton âme, ô mon pays,
Qui pleure ainsi parmi la mousse
Et chante ainsi dans les taillis.