Aime, si tu le veux, je ne l’empesche pas
Aime, si tu le veux, je ne l’empesche pas,
Mais aime pour le moins en homme de courage ;
N’asservis point ton coeur sous un vil esclavage,
Et ne demande point chaque jour le trépas.
La tempeste ne bruit que parmy les lieux bas,
Les monts voisins du Ciel sont pardessus l’orage ;
Quand tu souspirerois pour le plus beau visage,
Tu souspires en fin pour de mortels appas.
Le feu d’amour est fait pour servir, non pour nuire,
Pour reparer le monde et non pour le détruire,
Il doit illuminer, non troubler la raison :
Aime donc sainement, sans fureur et sans crime,
Allume un feu chez toy, mais un feu legitime,
Et qui ne puisse pas embrazer la maison.
Recueil : Vers moraux