Le baiser du matin
Les étoiles brillaient encore :
A peine un jour faible et douteux
Ouvre la paupière de Flore,
Qui, dans ses bras voluptueux,
Retient l’inconstant qu’elle adore.
Le souffle humide d’un vent frais
Effleure les airs qu’il épure,
Soupire à travers ces bosquets,
Et vient hâter par son murmure
Le chant des hôtes des forêts
Et le réveil de la nature.
Tu goûtais un profond repos,
Après une nuit fortunée,
Que nous avions abandonnée
Au dieu des amoureux travaux :
Moi, je veillais ; dans mon ivresse,
Je recueillais tes doux soupirs,
Et mes yeux, brûlants de tendresse,
Se reposaient sur la déesse
A qui je dois tous mes plaisirs.
Les anneaux de ta chevelure
Flottent au hasard répandus,
Et voilent seuls tes charmes nus,
Dont le désordre est la parure :
Ton front peint la sérénité
Et du bonheur et de la joie,
Sur ton sein ému se déploie
L’incarnat de la volupté ;
Tels quelquefois, après l’orage,
On voit, en monceaux parfumés,
La rose et le lis parsemés,
Joncher les gazons du bocage.
Ta bouche qu’amour sut armer
De la grâce la plus touchante,
Plus fraîche que l’aube naissante,
Semble s’ouvrir pour me nommer ;
Et tes bras, dont la nonchalance
Se développe mollement,
Quelquefois avec négligence
Sont étendus vers ton amant.
Mais cependant sur l’hémisphère
Vénus fait luire son flambeau :
Chaque degré de la lumière
Me révèle un charme nouveau :
Sur tous les trésors que tu laisses
En proie à mon avidité,
J’égare mon oeil enchanté,
Et veux marquer par mes caresses
Tous les progrès de la clarté :
A mesure qu’elle colore
L’horizon qui va s’embraser,
Un feu plus ardent me dévore ;
Et je crois que chaque baiser
Ajoute un rayon à l’aurore.
Comme je fêtai son retour !
De la nuit les astres pâlirent :
Toutàcoup tes beaux yeux s’ouvrirent ;
C’est toi qui fis naître le jour.
Les baisers