Bestiaire des étoiles
Légère ô ma légère enfant mon petit nuage éveille-toi ô mes délices assoupies ma douce amie mon endormie éveille-toi reviens ici car tandis que tu n’y es pas par la fenêtre du jardin parmi les branches du tilleul une étoile entre et vire et vole pleine de familiarité et vient se poser sur ta main doucement sans te réveiller puis caresse un peu tes cheveux et s’en va comme elle est venue par la fenêtre ouverte et claire avec son pas d’enfant pieds-nus sa lourdeur d’ange maladroit
L’étoile appelle tout le ciel qui nous effleure en bourdonnant et les abeilles de la nuit viennent timidement goûter
les fleurs distraites de ton corps et sa tiède clarté de lait fait plaisir à l’obscurité Altaïr et Dénebola se reposent sur ton cou Bételgeuse et les Trois Rois viennent boire dans ta main Céléno Mériope Orion Antarès et Procyon sont blottis contre tes flancs le Centaure et le Grand Chien se sont couchés à tes pieds si je te prends dans mes bras j’embrasse le ciel entier
Mon doux œillet tiède et serré
mon beau bouquet d’ombre et de chair
entre Mirab et le Navire
tu reposeras jusqu’au jour
quand le Grand Jardinier d’en haut
récoltera tous ses fruits mûrs
et rentrera tous ses troupeaux
et lâchera tous ses oiseaux
qui viendront goûter à leur tour
ce que les astres disparus
auront veillé toute la nuit
Le rossignol et le loriot
prendront la place des Gémeaux
mais quand tu ouvriras les yeux
tu sentiras contre ta joue
un petit reste de clarté
un peu plus salée que le jour
comme un souvenir de Persée.