Chanson des antipodes
Être habitant des antipodes chilien aztèque patagon c’est sûrement bien mal commode (la tête en bas les congestions)
Être Koriake ou Youkaghir Abenaquis ou Algonquin Osque Khalkas Kirghiz Afghir quel embarras et quel tintouin
On n’a pas le même hémisphère Ici cligneluit Cassiopée là-bas le Centaure à l’envers l’Êridan au lieu du Bélier
On n’a pas les mêmes manières que les gens nés du bon côté Tout ce qu’on fait est de travers par rapport à l’autre moitié
Quel embarras d’avoir à dire au lieu de Claire comme ici Klkdwghlmth à Nadjnimir et Youlaloume à Grand-Mossi
Pour habiter à Ytapua (entre Salta et Portalègre) il faut dire usted se habla ou bien parler le petit-nègre
C’est un tracas de chaque jour
de se sentir si différent
de ce qu’on serait alentour
les stations Fabien et Louis-Blanc
de boire du Klass ou du m’namba au lieu du simple cinzano d’être habillé de haut en bas d’un autre corps d’une autre peau
Ah comment dit-on en romanche / love you Ich liebe Sie Comment le dire en araucanche Être un autre homme quel souci
Mais être soi en donne aussi
Il faut chaque fois tout reprendre
On se croit là On est ici
On croit qu’on sait II faut rapprendre
La tête en bas et puis en haut Le cœur jamais vraiment en place je me prends toujours en défaut quand je me croise dans la glace
J’habite aussi mes antipodes je suis un autre et je suis moi je me remaille et me débrode Pénélope de mon En-Moi
Ainsi ces vers C’était pour rire passer le temps Je m’abusai Le jeu se termine en soupirs Je n’avais cru que m’amuser
Le seul amour est ma constance et me fixe dans mon roulis quand je veux prendre mes distances avec ce Claude qui me fuit
Claude Roy dites-moi qui est-ce Je l’ai bien connu autrefois C’est un homme d’une autre espèce un visiteur que je reçois
Je m’étonne du nom qu’il porte comme du nom d’un étranger J’attends toujours qu’il glisse ou sorte de ce corps un peu mensonger
Toi seule m’habitues à vivre Que tu sois là m’a retenu et sans l’amour qui me délivre je me perdrais vite de vue
Vivre est une drôle de mode Je m’en irais par distraction du côté de mes antipodes et la clef sous le paillasson
Parti pour ne plus revenir
et n’étant plus que pour moi-même
le souvenir d’un avenir
qui s’était cru d’espèce humaine.