La belle mort
Les mains pourries les mains perdues
qui n’ont plus rien à donner à personne
les yeux sans jour les voix sans mots
les bouches qu’un baiser jamais plus ne couronne
Honneur moisi feuilles qui rouillent Rires éparpillés Tendresse en proie aux vers Pitié très corrompue Linceul puant que souille la fatigue d’avoir autrefois existé
Nous finirons bien par nous endormir Nous finirons bien par tout oublier
Nous serons aveugles et sourds Nous aurons cannes à la main pour bâtonner sur le chemin loin très loin du très joli jour
Nous serons tout entrechoqués n’ayant plus les idées en place
dans une nuit d’un noir de glace tâtonnants vides disloqués
Nous traînerons clopin-clopant dans un pays brumeux de larmes où le vent gèle les paroles avant qu’on ne les ait prononcées
Personne ne nous entendra puisqu’il n’y aura plus personne Rien que le gel et que l’écho qui n’aura rien à réfléchir que le souvenir de l’écho
Nous serons ceux qui ne sont plus les trébuchants les trépassés les effacés les confondus les morts dont on ne parle plus
les morts qui auraient tant à dire.